Unbound : Performance as Rupture à la Fondation Julia Stoschek, Berlin
Unbound : Performance as Rupture à la Fondation Julia Stoschek, Berlin
14 septembre 2023 – 28 juillet 2024
Curator: Lisa Long
Assistante Curator: Line Ajan
L’exposition « Unbound : Performance as Rupture » à la Fondation Julia Stoschek à Berlin conduit le spectateur dans un circuit d’œuvres vidéo et photographiques, ainsi que plusieurs sculptures et installations, explorant les différents usages du corps humain dans le champ performatif. Ayant conscience du volume et de la durée des œuvres, la fondation propose des billets uniques valables pour toute la durée de la saison, brouillant ainsi les frontières entre une exposition traditionnelle et l’expérience d’un festival de cinéma. Cette flexibilité permet aux visiteurs de revoir les œuvres à plusieurs reprises, ce qui favorise à la fois l’éducation et l’accessibilité.
Sous le thème général de la performance, l’exposition permet d’inclure une vaste sélection d’œuvres. En restant fidèle au sujet, le terme du corps devient le point central d’où partent toutes les perspectives de l’appréhension des œuvres, qu’il s’agisse du corps de l’artiste/performeur-euse ou de celui des spectateurs. Cependant, le corps devient également conceptualisé comme une représentation de la polarité de l’humanité ; mon corps, celui de l’autre, ou bien mon corps que je partage avec l’autre. Ce corps auquel nous nous identifions ou pas du tout : des corps malades et sains, blancs ou noirs, féminins ou masculins, soulève des questions sur nos similitudes ou différences. L’exposition nous entraîne à questionner les questions.
Le corps est donc le fondement de toute action performative et de toute création humaine. Si certaines œuvres mettent explicitement en avant le rôle central du corps (comme « Unlearn the Body » de Panteha Abareshi, qui montre les limites d’un corps en situation de handicap ; « As British as a Watermelon » de mandla & Graham Clayton-Chance, qui dépeint le rôle et le traumatisme de son corps dans le contexte de la migration et de l’asile ; et « Shaved (At A Loss) » de Patty Chang, qui souligne l’aveuglement imposé par les normes de la société patriarcale de consommation), d’autres explorent sa signification sociale et culturelle. Par exemple, la représentation d’un “white face” par Howardena Pindell dans « Free, White and 21 » traite de l’hypocrisie des double-standards au sein de la société américaine des années 1970 et 1980 démontrant la discrimination raciale et culturelle continue à l’encontre des Noirs, tandis qu’Ulysses Jenkins avec « Mass of Images » examine la création d’une perception plus large et fallacieuse des Noirs dans le cinéma depuis les débuts d’Hollywood, et donc l’origine de certains stéréotypes raciaux.
La présence de la caméra au coeur de la conception des œuvres est décisive car elle retire ces corps de leurs contextes spatio-temporels fixes. En effet, l’exposition s’articule autour du corps en relation avec la caméra, s’éloignant de l’aspect temporaire et périssable de la performance live devant un public, tout comme le rendu d’une simple documentation. La performance n’est pas seulement capturée par la caméra, mais elle est plus encore réalisée pour la caméra. Cet acte devient un choix politique, qui transforme, élargit et généralise le concept de public en une entité plus large, qui transcende le temps et l’espace.
Dans ses fondements, l’exposition adopte une position critique à l’égard de la discrimination de notre monde, en défendant diverses causes contre l’injustice et en abordant des questions contemporaines d’inclusion liées à la race, à la sexualité, au genre, aux luttes féministes, aux handicaps physiques et à l’activisme politique. Bien que l’approche très complète couvrant une variété de directions engagées dans la lutte contre la répression soit louable, le nombre de causes et de positions peut laisser le spectateur désorienté. Dans l’espace de la fondation, nous nous retrouvons immergés au sein d’un discours qui transcende les frontières géographiques et vise à dépasser la perspective eurocentrique, tout en se concentrant fortement par ailleurs sur les récits nord-américains. Alors que l’on souligne des questions essentielles telles que la discrimination des personnes racisées en Amérique ou le passé colonial d’autres nations, cet angle peut négliger la pertinence des contextes locaux et omettre d’aborder des questions spécifiques à la région telles la ségrégation sociale, l’inégalité économique, les résolutions de la Seconde Guerre mondiale et les luttes féministes actuelles en faveur de l’égalité, ce qui peut laisser aux visiteurs un sentiment de déconnexion et d’impuissance.
L’exposition présente une remarquable sélection d’œuvres d’artistes exceptionnel-le-s, couvrant différents discours générationnels. Il est vraiment satisfaisant sur le plan intellectuel d’avoir l’occasion de voir ensemble des pièces historiques d’artistes tels que Howardena Pindell, Pope L., VALIE EXPORT, Ulysses Jenkins, Patty Chang et peter campus. En somme, cette exploration transgénérationnelle de la protestation dans l’environnement performatif invite les visiteurs à se plonger parmi de nombreux thèmes et perspectives complexes. Elle évoque la polarité de l’oppresseur et de l’opprimé, et indique la caméra comme témoin, amenant ainsi le public en tant qu’allié, voyeur ou spectateur de l’action.
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Head image : Panteha Abareshi, Unlearn the Body, 2021, Super 8 color negative film transferred to video, 4′55′′, color, sound. Installation view, UNBOUND, JSF Berlin. Photo: Alwin Lay.
- Publié dans le numéro : 107
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