Elisabeth Ballet
Tout En Un plus Trois, MAC VAL, Vitry-sur-Seine, 21.10. 2017— 25.02.2018
Un tapis rouge sur un plancher, des parois de bois et de plastique translucide, un chemin à suivre : dès l’entrée, le visiteur est entraîné dans l’univers de corridors et d’espaces transitoires que composent les sculptures-microarchitectures d’Elisabeth Ballet. Plusieurs accès à l’exposition sont possibles et le choix reste ouvert mais on peut en effet, pour rentrer, se laisser tenter par l’œuvre au séduisant tapis rouge intitulée BCHN (1997-2017) qui se traverse comme un vestibule. Et sans s’en rendre compte, croyant être encore dehors, on est déjà dedans. L’exposition ne cessera de jouer avec cette dialectique.
Mais cette pièce procure aussi un autre indice. Adaptée au lieu mais inspirée de précédentes versions crées pour d’autres configurations, elle annonce que l’adaptation à l’espace des expositions temporaires du Mac Val est le sujet même de « Tout En Un Plus Trois ». S’agissant à la fois d’une rétrospective des années 90 à aujourd’hui et d’un ré-agencement d’œuvres choisies dans différentes séries, regard vers le passé et dynamisme d’un travail toujours prêt à se renouveler se combinent dans cette exposition monographique. Ainsi, après Pierre Ardouvin et Jean-Luc Verna, le Mac Val cherche encore une fois à faire redécouvrir le travail d’artistes expérimentés qui ne cessent de se renouveler et de remettre en cause leurs acquis. La fraîcheur que certains pensent être l’apanage des seuls jeunes artistes est ici bien présente, ce qui démontre qu’elle peut perdurer tout au long d’une carrière artistique.
À l’intérieur de l’exposition, les sculptures d’Elisabeth Ballet sont réparties dans tout l’espace de manière à composer des groupes qui interagissent, faisant tour à tour penser, selon le parcours, les points de vue et l’imaginaire de chacun, à une aire de jeu pour enfants, à un chantier, à une usine… Grâce notamment à la transparence de certaines pièces, au son et aussi à un travail sur l’éclairage qui créé des ambiances différentes, de la pénombre à la clarté du néon, on relie les œuvres entre elles en les réinterprétant librement.
Par exemple, projetée sur un mur entier, la vidéo Eye Shadow (2007) donne à voir l’ombre de grands arbres. Installée non loin, la sculpture Bande à part (2000-2002), un enclos d’aluminium et de béton, rappelle le mobilier urbain. Ensemble, les deux œuvres en forment une nouvelle qui fait voyager ailleurs, dans un parc fantastique ou nocturne que l’on peut se laisser aller à situer dans un monde virtuel ou de science-fiction.
À l’opposé, à l’autre bout de l’espace d’exposition, le regard se dirige vers la lumineuse installation murale qui consiste en une échelle placée entre les deux mots, en hauteur, peints blanc sur blanc avec des effets de reliefs ombrés, « LAZY » et « DAYS » (2007). D’une manière générale, le visiteur est tantôt invité à circuler, tantôt amené à s’arrêter devant des parois, des barrières, mais son regard prolonge sa circulation, au-delà de l’impossibilité du corps qui obéit à ses habitudes et aux règles qu’il a intégrées. On s’arrête devant une barrière, mais on contemple au-delà. Le regard poursuit un parcours imaginaire comme lorsqu’il gravit l’échelle de Lazy Days qui conduit mentalement à un univers douillet de cocooning — ou alors à une sortie secrète telle que celle découverte par le héros à la fin du Truman Show. On est dedans mais projeté dehors. De même, la structure en plexiglas intitulée Contrôle 3 (1996-2017) conduit le visiteur au-delà de ses parois, vers d’autres œuvres, entourée des épingles géantes d’Olympia (2000-2002) qui, quant à elles, peuvent un moment faire croire que l’on a été téléporté dans le monde rétrécissant-agrandissant d’Alice au Pays des merveilles.
Parfois c’est le son qui transporte ailleurs et amène à regarder les œuvres sous un jour nouveau. Au centre de la salle, la pièce sonore Vous me direz (2014-2017) diffuse des enregistrements effectués sur un site industriel, donnant à entendre des machines, des voix, même des chansons populaires. Plongé dans cette ambiance qui renvoie au monde ouvrier, on regarde très différemment d’au premier coup d’œil les sculptures alentour, l’attention étant déplacée vers leurs matières, l’acier inoxydable, l’aluminium le béton… On pense alors à l’industrie lourde ou au chantier et au bâtiment.
Mais c’est finalement l’artiste qui suggère la meilleure image pour exprimer l’expérience qu’offre la visite de cette exposition. Dans un propos cité par le commissaire Frank Lamy, Elisabeth Ballet compare les œuvres présentées ici au jeu du flipper. On peut alors se remémorer les bumpers, les spinners, les rampes et les trous que rencontre la bille, à cette différence près qu’ici, tout se passe en douceur, chacun ricochant sur les œuvres à son rythme, dans les directions qu’il souhaite et selon son désir, et en restant bien entendu dans l’exposition le temps qu’il veut.
(Image en une : Élisabeth Ballet, vue de l’exposition « Tout En Un Plus Trois », MAC VAL 2017. Au premier plan, Smoking & Brillantine, 2011. Acier, dimensions variables.
© Adagp, Paris 2017. Photo : Marc Domage.)
- Publié dans le numéro : 85
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- Du même auteur : Gontierama à Château-Gontier, Alias au M Museum, Leuven, mountaincutters à La Chaufferie - galerie de la HEAR, Lacan, l’exposition au Centre Pompidou Metz, Jérôme Zonder au Casino Luxembourg,
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