Le monde selon l’IA
Le monde selon l’IA
11 avril — 21 septembre 2025
Jeu de Paume, Paris
Dans le capitalisme cognitif, le cerveau et l’esprit sont les nouvelles usines du xxie siècle. Le prolétariat, travaillant à la chaîne pour créer des objets et des objets en tout genre, a été remplacé par le cognitariat, ou travail intellectuel, qui interagit avec l’univers spécialisé que l’écran révèle pour produire des données. Ces données permettent non seulement de créer des profils de consommateurs et de proposer des recommandations d’achat prédictives, favorisant ainsi la fidélité à une marque et une expérience améliorée, mais elles peuvent également avoir des effets plus insidieux. Récemment, un nouveau type de cognitariat a fait son apparition sur le marché du travail. Il s’agit de microtravailleurs, ou travailleurs du clic, qui, depuis des camps de réfugiés du Sud global et contre quelques centimes, créent ce qu’Ulises A. Mejias et Nick Couldry appellent le « colonialisme des données (1) ». Avec Mechanical Kurds (2025) de Hito Steyerl, œuvre produite spécialement pour cette exposition, les données collectées auprès de ces travailleurs dans les camps de réfugiés kurdes sont utilisées pour construire un ensemble de données ciblant des systèmes de vision artificielle qui finissent par être intégrés dans des algorithmes utilisés pour guider des attaques de drones contre ces réfugiés eux-mêmes. Dans cette installation, les spectateurs s’assoient dans des structures qui ressemblent à des boîtes de délimitation, que ces microtravailleurs utilisent pour leurs tâches de clics, ce qui suggère que nous sommes tous des travailleurs numériques participant à l’économie des petits boulots, que nous en soyons conscients ou non.
Récemment, le capitalisme cognitif précoce a laissé place au capitalisme cognitif tardif, dans lequel le cerveau matériel et ses « communs » neuronaux (donc ses ressources neuronales communes), sa plasticité neuronale, sont devenus l’objet central de l’exploitation capitaliste (2). Le mot « cerveau » désigne à la fois la substance matérielle enfermée dans le crâne osseux et ses composants extra-crâniens constitués des relations sociogéniques, politiques, culturelles, écologiques et technologiques ; ses qualités transgénérationnelles, multispécifiques, collectives et cosmogoniques remontent au Big Bang et se retrouvent dans les communautés mycéliennes des racines des arbres et les communautés microsomales de l’intestin humain. L’IA, métaphore d’autres types d’intelligence collective présents dans le monde naturel, est magnifiquement illustrée dans la série A.A.I. (System’s Negative) d’Agnieszka Kurant (no 6, 2016). Dans cette œuvre, Kurant a coulé du zinc dans des termitières abandonnées pour créer ses sculptures. D’une part, l’œuvre illustre l’intelligence collective et constructive de ces communautés de termites et, d’autre part, elle exemplifie son concept de sous-traitance (ou externalisation) interespèces comme métaphore pour réfléchir à l’exploitation des microtravailleurs.

Photo : Antoine Quittet.
Depuis l’apparition de l’Homo habilis, la technologie et le cerveau ont évolué en symbiose pendant plus de 2,5 millions d’années. L’intelligence artificielle et les interfaces cerveau-ordinateur n’en sont que les exemples les plus récents. Ils coévoluent et se reflètent mutuellement dans le temps, échangeant leurs effets dans une spirale infinie d’hétérodoxie multiple, que Bernard Stiegler nomme « l’organogenèse exosomatique ». Je le cite :
« L’hominisation est la poursuite de l’organogenèse, mais d’une manière exosomatique. Comme beaucoup d’organes, le cerveau s’est toujours “augmenté” et transformé sur le plan organologique : cette autotransformation est précisément ce qui caractérise la vie humaine dans la mesure où elle est aussi, et immédiatement, une vie technique, c’est-à-dire une forme de vie qui réalise ses rêves. (3) »
Avec l’introduction de l’apprentissage automatique et de l’IA, les effets de la numérisation se sont amplifiés à un rythme alarmant et ont exercé une pression excessive sur l’ensemble du système, y compris ses sujets, qui ont eu du mal à suivre mentalement, intellectuellement et spirituellement. Mais l’IA a entraîné une autre révolution, les deux systèmes, la technologie et le cerveau, ayant fusionné en une entité homogène : un enchevêtrement neuronal-numérique. Comme le montre l’article récemment publié, « Your Brain on ChatGPT: Accumulation of Cognitive Debt when Using an AI Assistant for Essay Writing Task », de Nataliya Kosmyna et al., les participants qui s’appuient sur ChatGPT dans le contexte éducatif de la rédaction d’un essai présentent des profils de connectivité plus faibles dans le lobe frontal ou exécutif du cerveau (4). En fait, dans ce groupe, les lobes frontaux sont peut-être passés de la génération de contenu à la supervision de contenu généré par l’IA. Ces systèmes « réduisent les capacités de réflexion critique et conduisent à un investissement réduit dans des processus analytiques approfondis (5) ». La prémonition de Bernard Stiegler, selon laquelle un autre effet de l’externalisation et de la sous-traitance de nos capacités cognitives à des techniques artificielles conduit à une « prolétarisation, à travers laquelle l’ère hyper-industrielle devient l’ère de la stupidité systémique (6) », s’est-elle confirmée ? D’un autre côté, ce vide pourrait-il être le début d’une réorganisation neuronale et la naissance de nouvelles facultés de perception et de cognition, comme l’a supposé l’hypothèse du développement des réseaux linguistiques dans le cerveau concentrés dans le gyrus fusiforme gauche, appelée recyclage neuronal (7) ?

Installation, film génératif, impressions 3D, impressions numériques, robot, aluminium, pierres, dimensions variables. Modèles d’IA et langages de programmation : Stable Diffusion XL, AnimDiff, CoquiTTS, Llama 3.2 7B, Python 3.11. Données d’entraînement : Laion-5B, Visual Contagions sous la direction de Béatrice Joyeux-Prunel, archives personnelles de l’artiste. Avec l’aide en programmation de
Robin Champenois. Avec le soutien du Conseil des arts du Canada, Ottawa, de l’Université de Genève
et du Jeu de Paume, Paris.
Au sein d’un tel débat, une exposition consacrée à l’IA et à l’esthétique pourrait être considérée comme malavisée et frivole. Mais rien n’est moins vrai. Tout d’abord, « Le monde selon l’IA », exposition atmosphérique tentaculaire qui occupe deux étages du Jeu de Paume, organisée par une équipe dirigée par Antonio Somaini, pose la question suivante : l’IA est-elle un outil permettant d’exprimer de nouvelles capacités humaines ? Ensuite, quel est, le cas échéant, le rôle de l’art dans ce débat, s’il en a un ? Plus important encore, la création artistique, de par sa distanciation de la sensibilité et de la cognition, oblige-t-elle la philosophie et la connaissance à se réinventer pour cette nouvelle ère ?
L’organogenèse exosomatique, mentionnée plus haut, est toujours en cours ! Ainsi, la relation et l’histoire alternatives entre les outils de production artistique, comme le montre cette exposition à travers les multiples utilisations de l’IA, et la plasticité neuronale du cerveau, c’est-à-dire la relation entre la plasticité technoculturelle et la plasticité neuronale, peuvent nous redonner de l’espoir. La pluripotentialité diversifiée qui définit le cerveau préindividuel, composé d’une population variable de neurones non synchronisés chez le nouveau-né, et le processus d’individuation qui le conduit à sa forme adulte, sculptée et élaguée par un processus d’épigenèse, ont des implications politiques. Soit ce processus fluide aboutit à un cerveau uniforme, normatif sur le plan neuronal, formulé de manière techno-ergonomique pour former un peuple facile à gouverner, soit il aboutit à un cerveau hétérogène, queer et neuro-diversifié ; une multiplicité composée de singularités ayant chacune un libre arbitre propre. Le premier crée un cognitariat normatif asservi, parfaitement soudé à l’écran et aux tâches non conscientes et monétisées qu’il dévoile, créant pour la néo-bourgeoisie un taux plus élevé de plus-value mentale du cognitariat et un profit accru.
C’est là que le concept de cerveau sans organes prend toute son importance. Empruntant et développant l’expression de « corps sans organes (8) », formulée pour la première fois par Antonin Artaud puis développée par Gilles Deleuze et Félix Guattari, le cerveau, tout comme le corps, est libéré du despotisme d’un plan global, qu’il soit biologique, politique, social ou technologique. Les pratiques et engagements artistiques qui provoquent cette distanciation, ou étrangeté, en perturbant le partage du sensible, comme le propose Jacques Rancière, en les redistribuant ou en déterritorialisant les fondements des systèmes philosophiques qui les comprennent, ont la capacité d’émanciper la plasticité du cerveau/de l’esprit et de créer une libération subjective (9). Il s’agit d’un devenir esprit/cerveau en flux. Les gouvernements de droite, de concert avec les géants de la technologie et du big data, en particulier en Chine et aux États-Unis, ont adopté le pouvoir biotechnologique pour contrecarrer ce devenir cerveau, et préfèrent à la place un cerveau être, dans un état de cristallisation et de stupeur, à des fins de contrôle. Certains pensent que l’IA est destinée à jouer un rôle important dans ce projet. Ces techno-optimistes croient que les capacités et les processus cognitifs et mentaux humains peuvent être exploités par des machines cognitives de grands modèles de langage (large language models), tels que ChatGPT, afin d’induire une complicité organique entre l’humain et le numérique, véritable moteur du capitalisme numérique.

Tirages par sublimation thermique 121,9 × 152,4 cm et 152,4 × 121,9 cm. Courtesy de l’artiste, de Fellowship, d’Altman Siegel, San Francisco et de la Pace Gallery.
Dans « Le monde selon l’IA », les artistes sont devenus des acteurs essentiels pour lutter contre cette forme contemporaine de subterfuges, qu’ils dénoncent en exposant leurs dispositifs et leurs mécanismes. C’est le cas de Kate Crawford et Vladan Joler, qui ont créé une œuvre à grande échelle, Calculating Empires : A Genealogy of Technology and Power Since 1500 (2023), organisée sous forme de murs monumentaux, dans laquelle ils donnent une forme visuelle aux histoires synchrones des structures techniques et sociales et de leurs dispositifs, nous informant ainsi sur les faiblesses et les forces de nos adversaires et de nos alliés.
En écrivant leurs propres codes et en transformant leurs propres espaces latents (ou imaginaires vectoriels (10)), des artistes tels qu’Egor Kraft, Theopisti Stylianou-Lambert, Alexia Achilleos et Nouf Aljowaysir créent des histoires nouvelles et synthétiques afin de corriger les apories et les préjugés du passé. Content Aware Studies de Kraft (2018-en cours) utilise des modèles d’IA pour combler les traces manquantes du passé, soit en reconstruisant des antiquités endommagées, soit en synthétisant des reliefs alternatifs en basse résolution qui, en réalité, n’ont jamais existé.
Avec La Quatrième Mémoire (2025), Grégory Chatonsky intègre de multiples histoires personnelles dans des espaces latents afin de générer des alternatives. Il étend en outre le concept de rétention tertiaire de Bernard Stiegler à la rétention quaternaire. Stiegler décrit la mémoire primaire comme le souvenir de l’expérience originale d’un événement, comme le fait d’entendre une mélodie, et la mémoire secondaire comme la réinterprétation ultérieure de cette mélodie dans notre esprit. La mémoire tertiaire devient une négociation collective des traces laissées dans des outils, tels qu’un disque vinyle qui reste vivant pour que les générations futures puissent y réagir. Les rétentions quaternaires forment une quatrième mémoire (ou souvenir) qui consiste en un traitement statistique des rétentions tertiaires par l’IA, qui s’inscrivent dans des espaces latents et, à ce titre, offrent la possibilité de leur régénération. Il est important pour l’œuvre de Chatonsky que les rétentions reviennent sans cesse dans son opus cinématographique projeté, mais jamais sous la même forme ; grâce à une superposition bayésienne, elles contiennent des futurs jamais vus auparavant. Chatonsky et Yves Citton, dans leur texte du même titre publié dans Multitudes, créent le terme « distension » pour désigner cette mémoire future qui repose sur la métabolisation des rétentions tertiaires (11). La Quatrième Mémoire examine le pouvoir combinatoire des mémoires tertiaires inorganiques activées de manière transgénérationnelle, et immortalisées en tant que vecteurs dans des espaces latents. L’artiste les appelle « méta-mémoires », des souvenirs de souvenirs. Pour Chatonsky, ces méta-mémoires deviennent les ressources artificielles d’une nouvelle forme de contrefactualité, d’un réalisme du réalisme, à l’ère de l’IA. Les données ne sont pas simplement collectées et compilées de manière passive par les entreprises, les forces de l’ordre et les agences gouvernementales pour analyser le comportement des consommateurs, mais, comme nous l’avons vu, elles s’investissent activement dans la potentialité sensorielle, perceptive et cognitive plastique et, simultanément, dans leur cohorte, les réseaux neuronaux d’apprentissage profond, pour laisser des traces dans leur architecture synaptique mnémonique, leurs soi-disant poids synaptiques, de manière sympathique.

12 écrans, structure métallique, algorithmes d’apprentissage automatique, corpus d’entraînement de données naturelles spécifique. Artist’s statement 125 × 110 × 20 cm. Courtesy de l’artiste.
Cependant, l’accélération technique et numérique peut dépasser l’organogenèse neuronale. La mnémotechnique du cerveau est liée à l’influence que les neurones synchronisés exercent les uns sur les autres, tandis que dans les réseaux neuronaux artificiels, elle est liée à la force imposée d’un nœud (une connexion nodale) à un autre. Le cerveau/esprit numérique et le cerveau/esprit matériel s’engagent dans une chorégraphie vampirique laissant le partenaire humain vidé et dans un état de confusion apathique que j’ai appelé le « sublime neurobiologique (12) ». De plus, le concept d’enchevêtrement neuronal numérique fait référence à une accumulation induite numériquement de dispositions cognitives à la fois corporelles (embodied) et énactives, générées par les espaces latents invisibles et les modèles de diffusion de l’IA qui contiennent des futurs surréalistes, superposés à des préjugés sociaux, raciaux et sexistes persistants (13).
Le terme « latent » est-il utilisé ici par hasard ou pourrait-il être lié à la notion d’expression d’un contenu latent dans la psychanalyse freudienne, qui fut une inspiration des poètes surréalistes ? Trevor Paglen était-il conscient de ce lien lorsqu’il a créé ses œuvres magnifiques qui illustrent le surréalisme logiciel et qui sont réalisées à l’aide de « réseaux adverses génératifs » (Generative Adversarial Networks ou GANs) ? Ses œuvres troublantes et sublimes, Vampire (Corpus: Monsters of Capitalism) et A Man (Corpus: The Humans), introduisent l’exposition de manière inquiétante.
L’exposition « Le monde selon l’IA » n’aurait pas pu voir le jour à un moment plus opportun, alors que notre monde et ses civilisations sont confrontés aux effets des nouvelles technologies qui bouleversent les rapports politiques, sociaux, culturels et économiques qui le définissent et nous définissent.
Bibliographie
Grégory Chatonsky et Yves Citton, « La quatrième mémoire », Multitudes, no 96, 2024, pp. 186–189.
Stanislas Dehaene, « Cultural Recycling of Cortical Maps », Neuron, vol. 56, no 2, 2007, pp. 384-398.
Nathalie Kosmyna and all, « Your Brain on ChatGPT: Accumulation of Cognitive Debt when Using an AI Assistant for Essay Writing Task », arXiv, juin 2025.
Ulises A. Mejias et Nick Couldry, « AI Companies Want to Colonize Our Data. Here’s How We Stop Them », Truthout, 1er avril 2024.
Warren Neidich, « The Early and Late Stages of Cognitive Capitalism », in Neidich, dir., The Psychopathologies of Cognitive Capitalism, Volume 2, Berlin, Archive Books, 2014.
Warren Neidich, « Duende and the Neurobiological Sublime », Springerin, no 4, 2014.
Jacques Rancière, Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La Fabrique Éditions, 2000.
Jacques Rancière, The politics of aesthetics: the distribution of the sensible, trad. G. Rockhill, Londres, New York, Continuum, 2006.
Bernard Stiegler, Nanjing Lectures (2016-2019), traduit par Daniel Ross, Londres, Open Humanities Press, 2020.
Bernard Stiegler, « The Proletarianization of Sensibility », boundary 2, vol. XLIV, no 1, 2017, pp. 5-18.
Antonio Somaini (dir.), Le monde selon l’IA. Explorer les espaces latents, Paris, Jeu de Paume/JBE Books, 2025.
Notes
(1) Ulises A. Mejias et Nick Couldry, « AI Companies Want to Colonize Our Data. Here’s How We Stop Them », Truthout, 1er avril 2024.
(2) Warren Neidich, « The Early and Late Stages of Cognitive Capitalism », in Warren Neidich (dir.), The Psychopathologies of Cognitive Capitalism, vol. II, Berlin, Archive Books, 2014, pp. 9-14.
(3) Bernard Stiegler, « The Future of Neurotechnology », conférence de 2018, in Nanjing Lectures (2016-2019), édité et traduit par Daniel Ross, Londres, Open Humanities Press, 2020, p. 242.
(4) Nathalie Kosmyna et al., « Your Brain on ChatGPT: Accumulation of Cognitive Debt when Using an AI Assistant for Essay Writing Task », arXiv, juin 2025.
(5) Ibid.
(6) Bernard Stiegler, « The Proletarianization of Sensibility », boundary 2, vol. XLIV, no 1, 2017, pp. 5-18.
(7) Stanislas Dehaene et Laurent Cohen, « Cultural Recycling of Cortical Maps », Neuron, vol. LVI, no 2, octobre 2007, pp. 384-398.
(8) Warren Neidich, « Le cerveau sans organes : l’ayahuasca et la théorie de la régression neuronale, dans Psicotropismes, drogues, spectres et hallucinations pour la transformation du présent », mémoires du séminaire organisé dans le cadre du 44e Salon national des artistes, Pereira, Colombie, éd. Victor Albarracin, 2016.
(9) C’est l’un des aspects que je développe à partir de la notion de « partage du sensible » de Jacques Rancière (Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La fabrique éditions, 2000) ; voir le glossaire élaboré par G. Rockhill dans sa traduction, The Politics of Aesthetics: The Distribution of the Sensible, trad. G. Rockhill, Londres, New York, Continuum, 2006, p. 85.
(10) « L’espace latent […] est un concept fondamental dans l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle. Il fait référence à l’espace abstrait dans lequel des structures de données complexes et de haute dimension (telles que des images, des textes, des sons ou toute autre entité pouvant être traduite sous forme numérique) sont représentées sous une forme plus simplifiée et de plus faible dimension, afin d’être traitées par différentes opérations mathématiques. […] Pour commencer, les espaces latents sont un élément clé des systèmes de vision artificielle qui, au cours des dernières années, ont transformé l’ensemble du domaine des images numériques en un vaste champ d’exploration et d’agrégation de données : ils déterminent le champ épistémologique de ces systèmes, ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas “voir” (c’est-à-dire détecter, reconnaître et classer) » (Antonio Somaini, « Théorie des espaces latents », in Le monde selon l’IA. Explorer les espaces latents, op. cit., p. 24).
(11) Grégory Chatonsky et Yves Citton, « La quatrième mémoire », Multitudes, no 96, 2024, pp. 186-189.
(12) Warren Neidich, « Duende and the Neurobiological Sublime », Springerin, no 4, 2014.
(13) « À mesure que les modèles d’IA se généralisent et que les contenus Internet continuent de croître de manière exponentielle, les espaces latents deviennent un moyen d’ordonner, de traiter et d’activer une accumulation hypertrophique de mémoire culturelle devenue ingérable et déroutante. » (Antonio Somaini, ibid.).

Peinture aux cristaux de sels de fer, de cobalt, de nickel, de calcium, de chrome, de cuivre et de manganèse sur plaque d’aluminium anodisée et imprimée, 110 × 140 cm. Fabrication : Kunstgiesserei St. Gallen AG. Direction de projet : Noël Hochuli. Courtesy de la collection Nicoletta Fiorucci.
Head image : Kate Crawford, Calculating Empires: A Genealogy of Technology and Power Since 1500. Diptyque, impressions sur papier, 300 × 1 200 cm chacune. Courtesy des artistes et de la Fondazione Prada, Milan. Vue de l’exposition « Le monde selon l’IA », Jeu de Paume. © Jeu de Paume. Photo : Antoine Quittet.
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