Printemps de l’art contemporain

par Anysia Troin-Guis

Temps fort de l’art contemporain à Marseille, la 14e édition du P.A.C. programme une centaine d’événements du 26 mai au 12 juin, de Marseille au Pays d’Aix et aux alentours de l’Etang de Berre : expositions, performances, talks, portes ouvertes des ateliers et rencontres avec les artistes participent d’un Printemps de l’art contemporain sous le signe du partage, de l’échange et de la rencontre. Rassemblant plus de 70 lieux artistiques, le festival organise aussi différents parcours, à Aix, autour de Vitrolles, Miramas et Port de Bouc, et dans la campagne aixoise, au pied de la Montagne Sainte-Victoire, pour faire découvrir les multiples projets culturels de la région et faciliter leur accès à un plus large public.

Focus sur quelques événements de cette édition

Symbole d’une volonté de partager l’art contemporain dans son ensemble et d’aller au plus près des artistes et de leur processus de création, des visites et restitutions de résidence ont été réalisées avec le programme Voyons voir art contemporain et territoire, qui met en place dans la région des résidences artistiques en lien avec le patrimoine industriel, paysager et architectural. C’est le cas notamment de la résidence de recherche et création de Théophile Calot, Célia Cassaï, Morgana Planchais et Élodie Rougeaux-Léaux, co-produite avec l’ESAAIX, l’ESADTPM et les Beaux-arts de Marseille à la Ferme du Défend à Rousset. Avec une réelle cohésion curatoriale, il s’agit pour le commissaire et les trois artistes d’élaborer une proposition autour du territoire, en déployant une réflexion sur les matériaux récupérés dans l’espace de cohabitation. Célia Cassaï présente un travail de sculpture, notamment avec des briques faites à partir d’éléments recueillis sur une parcelle du terrain et des vitraux construits autour de ses végétaux ; Élodie Rougeaux-Léaux, via la pratique du volume, instaure une réflexion écologique sur le processus de fabrication de la laine et du fil, dans son histoire, sa place dans l’écosystème et ses enjeux éthiques. Morgana Planchais se concentre sur le Provençal, à travers le médium sonore et la vidéo, allant à la rencontre des habitants pour penser cette langue représentative du territoire. Étroitement liées dans leur approche du travail manuel et de l’importance donnée au processus de création en lien avec des savoirs artisanaux, ces différentes pratiques participent d’une revalorisation de la technique comme expression affirmant, pour reprendre les mots de Richard Sennett dans Ce que sait la main. La culture de l’artisanat (2008), que « faire c’est penser ». Cette même revendication du craft comme esthétique se retrouve dans l’exposition Arcadia, en cours à SISSI club, run-space géré par Elise Poitevin et Anne Vimeux. Curatée par cette dernière, la proposition réunit les œuvres de Aëla Maï Cabel, Amalia Laurent, Camille Bernard, Léna Gayaud et Luisa Ardila. Liée à l’utopie pastorale et fleurissante de l’Antiquité grecque, elle imagine, elle aussi, la question du territoire au grès d’installations, peintures figuratives, sculptures, et de pratiques traditionnelles comme la poterie ou la teinture, en appréhendant les œuvres comme des fenêtres vers un espace rêvé, mythologique mais aussi un lieu d’autonomie et de résistance, de fuite, de refuge et de soin.

Vues d’exposition SISSI Club, Arcadia, Exposition collective avec 
Aëla Maï Cabel, Amalia Laurent, Camille Bernard, Léna Gayaud et Luisa Ardila,
cur. Anne Vimeux, Crédit photo: Theo Eschenauer

Cette idée du care abordée en filigrane se retrouve dans l’exposition de Floryan Varennes à Southway Studio. Protego Maxima synthétise dans un espace condensé les recherches de l’artiste qui, en tant que plasticien et médiévaliste, élabore un imaginaire spéculatif et syncrétique d’un Moyen-Âge attentif au corps, à ses rapports au pouvoir et à ses modalités de soin, d’un univers médical actuel dans les matériaux utilisés et d’une temporalité ultra-contemporaine. Techno-récit qui fait du corps le lieu d’une dialectique de la violence et de la protection, de la guérison, l’exposition narre une expérience de la tension.

 Le festival programme aussi la visite de différents ateliers d’artistes. Samir Laghouati-Rashwan, résident aux Ateliers de la Ville de Marseille, propose ainsi une invitation expérimentale puis qu’il fait de son lieu de production un lieu d’exposition, de partage et de diffusion intitulé Dr!ft. Creusant un espace de liberté dans un cadre institutionnel, il réunit pour l’exposition inaugurale de Dr!ft, « Les Braises de l’Ange », ses travaux avec des œuvres d’Elias Kurdy et Adrien Lagrange.  L’ambition est d’instaurer une alternative aux dynamiques concurrentielles de l’art contemporain, à l’écoute des habitants du quartier où est implanté l’atelier, et de construire, autour de la création, un public diversifié.

Le P.A.C. coproduit aussi le podcast Paye ta vie d’artiste ! réalisé par Manifesto XXI, qui a organisé au SOMA un talk intitulé #balancetonécoledart : vers de nouvelles pédagogies, autour de la pédagogie, de la précarité et des rapports de pouvoir dans le monde de l’art et ce, dès l’école. Modérée par Sarah Diep et Anne-Charlotte Michaut, la rencontre réunissait Barbara Satre, directrice de l’ESAAIX, Fanny Lallart, artiste diplômée de ENSAPC, cofondatrice de la revue Show et un·e étudiant·e des beaux-arts de Lyon, membre de l’union syndicale Le Massicot.

Floryan Varennes, Protego Maxima, Southway Studio,  © Silvia Cappellari

Le festival met aussi en avant différents lieux privés comme #7 clous qui présente une exposition de Jean-Baptiste Sauvage, Nous autres, le Salon du Salon avec La lune ne veut plus dormir de Tzu-Chun Ku ou Giselle’ Books avec une monographie de Wolfgang Stoerchle, sous le commissariat d’Alice Dusapin. C’est aussi l’occasion de voir pour une dernière fois avant la saison estivale les expositions de la Friche Belle de Mai, Les cendres du naufrage de Dominique White, à Triangle – Astérides, centre d’art contemporain ou Mimicry – Empathy, proposée Fræme, curatées respectivement par Céline Kopp et Susanne Bürner. De même, le festival se déroule au moment des derniers jours de Buropolis. La fermeture du bâtiment occupé temporairement par plus de 200 artistes, artisans et designers, lieu d’expérimentation pour la scène artistique marseillaise, rappelle les limites d’un urbanisme de transition et la nécessité d’instaurer une véritable politique culturelle au sein de la ville.

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Image en une : Vues d’exposition SISSI Club, Arcadia, Exposition collective avec Aëla Maï Cabel, Amalia Laurent, Camille Bernard, Léna Gayaud et Luisa Ardila, cur. Anne Vimeux, Crédit photo: Theo Eschenauer

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