Berlin-Paris 2010, un échange de galeries
Un chiffre porte-bonheur ou non, 13 galeries parisiennes ont accueilli 13 galeries berlinoises pendant quelques semaines de fin janvier à mi-février. Cette deuxième édition de l’échange BERLIN-PARIS, organisée par le Bureau des Arts Plastiques et l’Ambassade de France de Berlin (l’évènement a eu lieu précédemment à Berlin), met en évidence le dialogue constant entre les deux métropoles, plates-formes de l’art contemporain. Prometteuses pour certaines, ces rencontres entre galeries ont donné jour à différents procédés de collaboration : de l’exposition collective croisant artistes des galeries parisiennes et berlinoises aux expositions solo ou duo. Jouant de leurs cosmopolitismes et de leurs dynamismes, les galeries berlinoises proposent des artistes venant de toutes nationalités et vivant principalement à Berlin. Entente artistique ou effet magnétique, trois expositions collectives ont particulièrement retenu notre attention : celles des galeries Michel Rein, Marcelle Alix et Natalie Obadia.
L’exposition chez Michel Rein était le fruit d’un projet commun avec la galerie Carlier-Gebauer. Au milieu d’une réunion maîtrisée d’artistes des deux galeries (Michel François, Santu Mofokeng, Rosa Barba, Elisa Pône, Saâdane Afif, Mathew Hale), Essence, de Saâdane Afif, néon « générique » de station service et réplique à l’identique d’une enseigne réelle, résonne joliment avec les pièces de Michel François. Les volumes modulaires ou combinaisons tubulaires aimantées de ce dernier jouent constamment de rapports d’équilibre et de déséquilibre. Avec now or never (The speakers corner project), photographie d’une action performative d’un orateur de rue debout sur un morceau de glace, il continue de questionner les multiples facettes du procédé sculptural. Mathew Hale renouvelle brillamment la technique du collage qu’il qualifie d' »improvisation associative », donnant ainsi au hasard une place prépondérante dans le mode d’élaboration de ses œuvres. Elisa Pône propose elle aussi des collages faits à partir d’emballages de feux d’artifices, trace de ses performances pyrotechniques.
Invité par la galerie Marcelle Alix, Croy Nielsen choisit résolument de placer sous l’angle de l’effacement et de l’obstruction les pièces de Nina Beier, Eric Bell & Kristoffer Frick, Andy Boot, Tobias Kaspar, Benoît Maire, Mandla Reuter. Minimales voire facétieuses, les œuvres d’Eric Bell et Kristoffer Frick mettent en évidence les notions de « périphéries » (ou plutôt d' »autour ») des œuvres. L’image se réduit à son cadre et se déploie tel quel dans l’espace.
Esther Shipper avait sélectionné pour la galerie Natalie Obadia des œuvres de Matti Braun, Nathan Carter, Gabriel Kuri. Les collectes-collages et assemblages de ce dernier qui intègre au sein de ses installations et sculptures des objets quotidiens mis au rebut témoignent d’une attention extrême envers ces objets délaissés qu’il recharge d’une forte présence esthétique, reposant au passage la question de leur abandon et de la formidable et absurde déperdition qui s’ensuit.
Certaines galeries avaient choisi de se focaliser sur deux artistes. La galerie Konrad Fischer chez Nelson-Freeman associait Sofia Hultén et Wolfgang Plöger, deux artistes vivants à Berlin. Wolfgang Plöger retire à la pellicule super 8 ou 16mm son lien au cinéma, explorant sa matérialité au travers de projections simultanées. Sculpturale, sonore et environnementale, l’installation Keep Going Forward (2009) est un dispositif composé de trois films super 8 projetés très près du sol. De format réduit, chaque projection est constituée de bandes amorces sur lesquelles l’artiste a recopié à la main les dernières paroles prononcées par des condamnés à mort peu avant leur exécution. Chargées de mystère, les images/écritures deviennent des messages lumineux rehaussés par les bruits des projecteurs.
Kamel Mennour quant à lui, qui invitait la galerie neugerriemschneider, choisit de montrer deux œuvres de Simon Starling qu’il fit se cotoyer lors des dernières dates d’exposition avec les photographies et objets surprenants de Pierre Molinier.
En premier lieu, Three Birds, Seven Stories, Interpolation and Bifurcations, un ensemble photographique fait d’images réelles et fictives en noir et blanc qui oscille entre architecture, décor de cinéma et histoire du design. Les images apparaissent comme une historiographie de l’objet. Red Rivers (in the Search of the Elusive Okapi) ensuite, est le récit filmé de deux voyages, celui de Herbert Lang au Congo et celui de l’artiste sur les traces de l’explorateur exactement un siècle plus tard. Entre passé et présent, l’œuvre se déploie dans la réactivation de cette histoire, requestionne les enjeux oubliés de l' »exploration » – au sens historico-géographique – grâce à une méthode désormais bien éprouvée par l’artiste, celle de sa « réadaptation », cette fois-ci au sens cinématographique.
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- Du même auteur : Fayçal Baghriche au Quartier, Bertille Bak / Damien Cadio au Crac Alsace,
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