r e v i e w s

Sylvain Rousseau

par Aude Launay

POP SCORN

White Sands, deux mots blancs comme des bruits blancs se détachent sur un mur noir. De prime abord, on pense à un néon éteint, on se dit qu’il y a peut-être, une fois de plus, un principe d’allumage soumis à notre présence physique, mais on ne l’espère pas. Une fois en face à face avec la pièce, la supercherie apparaît dans toute sa splendeur: on a été bernés, le néon qui nous ennuyait déjà est en fait un fac-similé, la reproduction exacte d’un tube néon avec transformateurs et cablage électrique en poudre de frittage, matière blanche agglomérée généralement utilisée pour réaliser des maquettes et autres prototypes.

On est ravis par la perfection technique, on s’enthousiasme pour ce néon qui n’en est pas un, la sensation que l’on peut bien attendre et que cela n’y changera rien, que la lumière ne viendra point, mais l’ennui à nouveau nous guette. On nous montre une étape préparatoire au lieu de l’œuvre achevée, bien, what else? Eh bien, l’œuvre est en réalité achevée, la forme intermédiaire se donne pour définitive, et nous voilà bien avancés.
Mais prenons le temps de voir l’évidence, ce que ces deux mots nous disent. White Sands est le plus grand désert de gypse du monde, un sable blanc auquel réfère immédiatement et tautologiqement la poudre de frittage. Est-ce à dire pour autant que cette pièce est ultra-pop ou bien au contraire anti-pop? Inscrire le nom d’un parc naturel américain au néon semble tout à fait normal au Nouveau-Mexique, mais la transcription de Sylvain Rousseau en cette matière blanche, mate et si fragile, friable, en fait une vanité du pop lifestyle, et d’une nature en pleine dégénérescence. À l’inverse des conceptuels qui s’intéressaient au langage pour ses limites, Sylvain Rousseau en explore toute la potentialité évocatrice.
Un bruit blanc au sens propre ne peut exister. De même, les dunes de White Sands n’existent pour Sylvain Rousseau que dans ses fantasmes; ne les ayant jamais parcourues, il se contente d’en écrire le nom, d’un trait irrégulier, à la manière d’un gamin qui graverait sur sa table le nom de celle dont il rêve.

Aude Launay

Sylvain Rousseau, Panoramic View of a Daily Walker, galerie LH, du 12 avril au 24 mai 2008.

Sylvain Rousseau White Sands, 2008. Poudre de fritage, 185 x 270. Courtesy galerie LHK.

Sylvain Rousseau White Sands, 2008. Poudre de fritage, 185 x 270. Courtesy galerie LHK.