r e v i e w s

IrmaVep

par Mathilde Villeneuve

Drôles de médiums

Fraîchement débarquée de « 220 jours », projet conçu par les deux commissaires Elodie Royer et Yoann Gourmel, où une dizaine d’artistes se relayaient pour tenir le rythme effréné d’une exposition renouvelée tous les mois dans une très petite galerie parisienne rue Louise Weiss, la bande était récemment invitée par IrmaVepLab à relever le défi du déploiement et de l’expatriation. Poursuivant le développement d’un récit collectif, l’exposition à tendance littéraire plutôt que thématique, mettait alors littéralement en lumière leur dénominateur commun : d’un côté la nature même des sources – l’Histoire et son lot de mythes et de découvertes physiques, humaines et scientifiques -, de l’autre, l’attention toute particulière portée au document, à son traitement et à son intégration dans l’œuvre.

D’entrée de jeu, on était happé par la lumière au bout du tunnel dégagée par la projection vidéo de Julien Crépieux qui tentait d’épuiser toutes les possibilités de représentation d’un paysage modélisé. Une voix, celle de Mark Geffriaud, qui récitait des textes de Borges et de Mallarmé, nous entraînait vers la suite de l’exposition. Dans un long couloir plongé dans le noir, ce même artiste jouait des effets de transparences pour réinjecter, par un processus de rétro projection et de découpes lumineuses, une partie du verso sur le recto d’une page de dictionnaire. On débouchait alors sur l’œuvre d’Isabelle Cornaro et réalisait rétrospectivement que la bande sonore était en réalité la B.O de ses images suspendues dans les airs : des promenades encore, mais cette fois en plan rapproché, à travers les bulles colorées d’une boule de déco kitsch, ou de bijoux dorés et d’objets d’optiques. A même les fenêtres de la salle, Geffriaud avait déposé des filtres opacifiants qui privilégiaient, selon la lumière du jour, une des deux faces d’une page documentant la vie de Gombrovitch. Raphaël Zarka, quant à lui, proposait une œuvre à mi chemin entre la sculpture contemplative et l’objet de travail en cours d’élaboration : des bûches posées sur des cales et parcourues de lignes pyrogravées qui signalaient les découpes à suivre pour réaliser un polyèdre régulier, le tout inspiré des planches d’un astronome du XVIIIème siècle. Cornaro en rajoutait alors une couche : non seulement elle oscillait à son tour entre le document de travail et l’œuvre finale, mais introduisait la notion de réplique reproductible en passant ses documents préparatoires d’œuvre à l’impression de bons à tirer. Bruno Persat prolongeait d’ailleurs la duperie en mettant ses photos d’apparence classique, noir et blanc et joliment encadrées, au service de la représentation d’un sujet inattendu : le détail d’un jeu vidéo. Dans cet espace, sombre lui aussi, une ampoule étendue au sol suffoquait. Tandis qu’à côté, deux autres ampoules planquées dans la cheminée aveuglaient par leur éblouissement. L’accident qui se profilait serait donc finalement avéré quand on découvrait le fil de plomb qui venait de frapper le verre d’une autre lampe de sa pointe menaçante. Enfin, Benoît Maire revisitait à l’inverse le mythe du voyant aveugle de Thiresias dans ses collages et Benoît-Marie Moriceau reproduisait le tableau, cachette à bijou d’une scène des Vampires (où jouait Musidora, ancienne hôte du centre d’art qui accueillait à l’époque les surréalistes) dont il faisait tour à tour apparaître et disparaître l’image dans le cadre. Une dernière pièce qui donnait décidément le ton à cette exposition, oscillant entre des apparitions et disparitions d’œuvres et de fantômes de références, de voix et de figures littéraires, autant d’anciens et de nouveaux habitants des lieux que les artistes invoquaient et ressuscitaient.

IrmaVepLab, 4 place Urbain II 51700 Châtillon sur Marne

Benoit Maire et Raphael Zarka , vu de l'exposition à IrmaVep, 2008

Benoit Maire et Raphael Zarka , vu de l’exposition à IrmaVep, 2008