Entrée libre

Entrée libre
Château de Morsang-sur-Orge
CAC Brétigny
Hors les murs
04.04 — 28.04.2025
Céline Poulin qui a dirigé le CAC Brétigny a légué à son équipe l’esprit de travailler de manière horizontale. « L’idée est de faire commissariat depuis nos pratiques quotidiennes. Nous souhaitions proposer un rapport moins autoritaire à l’espace d’exposition, ne pas mettre la personne qui accueille dans une posture autoritaire. Pratique amateur et professionnelle, activité pédagogique et artistique s’entrecroisent. » introduit Marie Plagnol. Depuis les travaux de rénovation du centre d’art, la programmation se déploie hors-les-murs. Cette saison artistique itinérante 2024-2025 intitulée « Bascules » déjoue les usages et les normes de l’exposition. Elle est le fruit d’un commissariat collectif entre les différentes salariées du centre d’art. Cette programmation s’inscrit notamment dans la continuité de l’Ǝcole : un projet au sein duquel des participants de différents horizons échangent ensemble et explorent de nouveau mode de transmission horizontaux de savoirs et de pratiques. Tous les artistes de la saison ont proposé des œuvres manipulables. La pratique libre est également au centre des projets curatoriaux et les visiteurs de toute génération peuvent s’y retrouver.
Le titre de l’exposition « Entrée libre » annonce d’emblée la couleur de l’exposition : une ouverture chaleureuse, de grandes possibilités d’agir et d’être en contact avec les œuvres. Qu’est-ce qui fait œuvre et qu’est ce qui ne fait pas œuvre ? telle est la question que nous pouvons nous poser en entrant dans le château de Morsang-sur-Orge devenu lieu aux divers usages. « D’habitude c’est le lieu qui s’adapte. Là c’est l’exposition qui s’adapte au lieu » ajoute Marie Plagnol. Nous y découvrons des propositions artistiques vouées à diverses utilisations, incitant à toutes sortes d’invention, favorisant l’intuition, l’autonomie et l’apprentissage par la création. Les artistes ont investi ce lieu marqué par les traces du passé par des interventions sollicitant des libertés d’utilisation, de comportements. Leurs travaux ici exposés incarnent des porosités entre l’œuvre d’art et le design.
Juliette George a mené une campagne de recensement de mobiliers utilisés par une quarantaine de centres d’art en France. L’artiste interroge les questions de confort et de bien-être au sein de ces lieux d’art contemporain. Son dépliant présente les résultats de cette enquête avec notamment des citations issues de ses échanges avec les équipes d’une quarantaine de centres d’art du réseau DCA. Celui-ci est disposé dans les deux salles d’exposition afin que les visiteurs puissent le consulter ou l’emporter avec eux. Ils peuvent également s’approprier cette étude en construisant un mobilier miniature à partir de six formes standards. Son travail artistique tend à interroger la place du corps du spectateur dans les structures d’exposition.

Le mobilier de bureau, habituellement assigné à la productivité est détourné par Louis Chaumier. Il ajoute aux tables de réunion de la gamme Alexandri de Knoll international des roulettes et des lampes pour que les visiteurs puissent choisir leur disposition dans l’espace, prendre le temps de se poser un moment seul ou en groupe et s’essayer à la création. Des marquages colorés discrets en bas des murs constituent les indices de leur emplacement original, permettant de les remettre à leur juste place. Cette intervention artistique joue sur la mobilité, le laisser-faire, la confiance en chaque usager.
Les œuvres d’Hugo Béhérégaray ont-elles aussi une apparence ludique. « Plan de table » s’apparente à un patchwork de tissus récupérés. Des petites constructions en carton y ont été déposées, traces du passage des visiteurs, devenus en quelque sorte des scénographes d’une organisation nouvelle de l’exposition. A l’image d’un matelas, l’œuvre invite au confort et nous fait ressentir une certaine douceur, propice au repos. Des souvenirs de jeux d’enfant peuvent remonter à la surface face à Château ambulant. Dans la deuxième salle, Jeu des Cooleurs offre à tout un chacun la possibilité de s’inventer ses propres règles du jeu : une table basse réagencée avec au centre une broderie. Des coussins ajoutent un aspect doux, joyeux et donne envie de restaurer un certain plaisir, une spontanéité et le désir de faire ensemble. Sa chaise musicale est également surprenante par son assise. Ses œuvres praticables font écho à de possibles contes de fées revisités. Les possibilités de manipulations sont infinies et stimulent chez les visiteurs une grande diversité d’approches.
Le temps libre, l’oisiveté, l’expérience corporelle est au cœur de cette exposition qui vit au grès du passage, des déplacements et des contacts sensoriels. Celle-ci a également une portée sociologique intéressante tant elle reflète la nécessité de changer les pratiques et les habitudes afin de favoriser le partage et l’expérimentation. L’expérience de chaque projet curatorial nourrit ainsi la réflexion de l’équipe du centre d’art contemporain et au-delà peut inspirer d’autres lieux d’art accueillant des visiteurs.

Head image : Hugo Béhérégaray, Jeu des Cooleurs, 2025 ; Chaise Musicale, 2025. Vue de l’exposition hors les murs « Entrée libre », Hugo Béhérégaray, Louis Chaumier et Juliette George. Commissariat : Équipe du CAC Brétigny. Château de Morsang-sur-Orge. CAC Brétigny, 2025. Photo : Pauline Assathiany.
- Partage : ,
- Du même auteur : Jan Kopp, Air de repos (Breathwork), Safouane Ben Slama, Lydie Jean-Dit-Pannel, Archipel à Thouars,
articles liés
Sanam Khatibi
par Gabriela Anco
Benoît Piéron
par Ilan Michel
Keep It Fake
par Camille Velluet