Arte povera, suite
« Pour un art pauvre », le titre de la dernière exposition de Françoise Cohen au Carré d’Art de Nîmes, fait planer l’ombre d’une paternité chargée sur cette proposition en amenant immanquablement la comparaison avec ce mouvement d’artistes qui, quelques décennies plus tôt, s’est illustré de l’autre côté des Alpes. Si ce titre surprend, c’est parce qu’il a la forme d’un manifeste pour un mouvement historiquement daté. Au-delà de la référence à l’arte povera, se pose donc la question de la persistance d’une appellation – celle d’art pauvre – sensée garder toute la pertinence la reliant au contexte culturel de l’époque. Cette pauvreté qui posait déjà problème dans les années soixante car n’étant pas assez précise dans sa définition (de quoi parle-t-on ? De l’austérité des matériaux, de la sécheresse d’un protocole ?) continue d’en poser quarante ans plus tard car l’on pressent qu’elle dissimule une somme de complexités, recouvre de multiples strates d’intentionnalités qui font que la réunion des deux mots « art » et « pauvre » apparaît d’emblée improbable. L’exposition visible en ce moment au Castello di Rivoli, « Arte Povera International », confirme ce que nous savons tous : les mouvements artistiques sont le plus souvent le fait de critiques d’art qui cherchent à imprimer une empreinte personnelle sur des artistes enclins à mêler engagement artistique et opportunités de carrière : tout le monde y trouve son intérêt. À presque cinquante ans de distance, que reste-t-il de cette « pauvreté » ? Une unité formelle difficile à repérer, une diversité qui surprend ceux qui ne l’ont côtoyé que de loin, via les catalogues. Certes, cet attachement au matériau, ce dépouillement de la matière qui prétend échapper à la distanciation de l’art conceptuel et à la théâtralité de l’art minimal est omniprésent, mais quoi de commun entre les fagots de bois savamment amassés d’un Mario Merz et les jeux de miroirs vertigineux d’un Luciano Fabro ? Là où l’un s’ébroue dans son obsession pour une forme quasi utérine qu’il ressasse à l’infini, l’autre s’épuise dans des jeux de disparition du regard. Quand un Fabro encore joue les équilibristes avec ses tiges de fer en croix, minimisant la présence du matériau, un Paolini mélange allègrement des bronzes tirés de la statuaire classique avec des pavillons de soie entremêlés. Ce « povera » de l’arte povera nous semble lui aussi excessivement difficile à atteindre et ne fait que souligner l’extrême richesse formelle de cette pauvreté.
Ce détour par les acteurs majeurs de l’arte povera, pour la plupart représentés dans l’exposition de Turin et dans une nuée d’expositions concomitantes1 qui font refleurir la mémoire de ce mouvement, permet de mettre en lumière les zones de contact avec les jeunes artistes réunis au Carré d’Art de Nîmes. On l’a dit et redit, l’arte povera fut un phénomène localisé dans son déploiement géographique mais excessivement poreux aux mouvements artistiques de l’époque, notamment au process art dont il adopta les prescriptions pour un rapport distancié avec l’œuvre achevée2. Pourtant, manifestement, ce fut majoritairement un art de sculpteurs et d’installateurs, même si le terme d’installation n’était pas complètement établi. Il semble qu’il flirta avec une vision utopique du monde, les scories des préoccupations modernistes n’ayant pas encore été complètement refroidies par la désillusion de l’ère postmoderne. C’est certainement ce qui « explique » cette dimension humaniste que l’on retrouve de manière plus ou moins flagrante chez des Boetti ou des Anselmo. Par ailleurs, il existe un véritable amour du matériau brut, de la pierre, du marbre, du bois, des animaux, même, que l’on peut aussi analyser comme une sorte de réaction à la corruption généralisée de l’époque par la marchandise ; de même qu’une prédilection pour les actions simples qui nous ramènent à des gestes élémentaires, ceux de l’atelier prolongeant ceux du monde ouvrier, du paysan au travail. Là encore, on sent une réaction à la sophistication du monde et un retour à la simplicité, pour ne pas dire à l’austérité : à ce propos, la pièce de Giovanni Anselmo, Torsione (1968), présentée au Castello di Rivoli, résulte de la torsion d’un morceau d’étoffe sur lui-même qui, en emprisonnant un bâton à son extrémité, maintient en réserve une énergie prête à jaillir : il y a dans cette pièce que l’on redécouvre avec plaisir une efficacité formelle qui renvoie à un quotidien de labeur, de même que l’on ressent chez l’artiste une véritable empathie pour un monde en train de disparaître. Chez les jeunes artistes réunis à Nîmes, on est frappé par des similitudes flagrantes tandis qu’à d’autres moments, la comparaison ne peut résister à l’analyse. Prenons par exemple la pièce de Pier Paolo Calzolari, Senza titolo (Lasciare il posto), 1967-1970 : c’est une table en métal reposant sur un socle, reliée à un transformateur qui lui amène de l’énergie, la relie au monde, « l’active ». Dans la pièce de Guillaume Leblon présentée à la Fondation d’Entreprise Ricard en ce moment même, on retrouve une ambiance assez similaire : une table, en angle cette fois-ci — certes plus complexe dans sa configuration, mixant brique, ferraille et plaque de verre — est surmontée d’un plateau chauffant recouvert de plâtre : ce dernier est maintenu dans un état de « cuisson » perpétuelle, l’empêchant de durcir.
Formellement, il se passe quelque chose d’assez similaire. Cependant, on sent que chez Leblon, il n’y plus trop « d’ailleurs », que tout se concentre autour de cette transformation du matériau primitif, alors qu’en périphérie les formes satellites font référence à (aux) histoire (s) de l’art. Chez Calzolari, il s’agit plus d’une espèce d’allégorisation du monde, la pièce est une métaphore de ce dernier sur lequel l’artiste semble vouloir encore agir, comme un alchimiste-idéaliste ; chez Leblon, les éventuels « messages » ont disparu, la pièce vaut pour elle-même, le dispositif dégage et entretient sa propre beauté formelle : on est renvoyé à la glaise et au bric-à-brac de l’atelier, ce dernier ayant tendance à se refermer sur lui-même, il s’auto féconde, se parodie même. L’artiste joue avec la mémoire des objets et déjoue les certitudes quant à leur usage, s’arrêtant juste avant une lecture attendue. À Nîmes, Leblon présente une série de creusets qui ont servi à fondre deux énormes monolithes en bronze que l’on retrouve à l’autre bout du musée. Les coupelles en terre sont présentées telles quelles, recouvertes des coulures du métal, dans une posture readymade qui défie l’idée même de readymade puisque ce sont des objets issus d’un travail d’artisan : ce qui importe encore ici, c’est le résultat brut de cette fusion qui évoque un travail d’atelier auquel se mêle un je ne sais quoi de tellurique. Une pièce de Giovanni Anselmo, également appelée Senza titolo, (1984 -1991) met en tension deux volumineux blocs de marbre au faîte d’une grande toile vierge, l’un retenant l’autre dans un équilibre plus que précaire : comment ne pas retrouver le vocabulaire de Katinka Bock et ses mises en tension risquées de blocs de pierre traversant parfois des salles entières de sorte que l’on n’ait pas la totalité de la pièce dans son champ de vision ? Sauf que, chez Katinka Bock, l’on sent une défiance pour toute narrativité, c’est la lutte entre les blocs qui l’intéresse, plus que l’idée de repousser les limites de l’exercice pictural comme le fait Anselmo. L’on ne peut cependant s’empêcher de remarquer l’attention portée par les deux artistes à la force silencieuse qui se dégage des matériaux. Quant à Thea Djordjadze, sa pratique reprend certaines des préoccupations fondamentales de l’arte povera, notamment une recherche de la définition et de la délimitation de l’espace via des agencements de matériaux de diverses natures : fragments de pièces réalisées auparavant, constructions légères au design résolument improductif, se rapprochant de ce fait quelque peu des recherches d’un Boetti pour un usage détourné du design industriel. Mais là où l’italien privilégie une certaine rigidité verticale de ses sculptures, la géorgienne dispatche les éléments d’un ensemble instable et facilement révocable dans sa structure ; là où Boetti semble s’attaquer encore à la marchandise, Djordjadze se contente de prendre acte de la charge culturelle des formes qu’elle manipule. Gedi Sibony va peut-être encore plus loin dans cette absence d’idéologisation du matériau : d’une certaine manière, il apparaît un peu comme l’outsider de cette exposition, il est le seul à ne pas « produire » d’objet, à ne pas transformer la matière brute en quelconque or artistique. Son art consiste plutôt en une somme de gestes très légers dans leurs conséquences matérielles : aucune altération des matériaux donc, encore moins de polissage, attachement ou quelconque découpe, juste se contente-t-il de prélever ça et là des éléments qu’il considère comme marquants pour la configuration des lieux rencontrés, afin de les déplacer, les agencer différemment pour réorienter le regard selon de nouveaux axes. Il peut de ce fait résolument « parasiter » ses congénères, perturber un espace déjà occupé grâce à ses micro déplacements aussi altiers que subtils, sorte d’artiste colibri.
Pour autant, peut-on opposer un art centripète et un art centrifuge, un art actuel qui se serait désengagé du monde alors que l’arte povera était tout entier dédié à son interpellation ? Les travaux d’Abraham Cruzvillegas, de Gyan Panchal et de Gabriel Kuri apportent une réponse subtile : les matériaux du monde contemporain les intéressent au plus haut point, à la fois pour leurs caractéristiques plastiques mais aussi, surtout pour Cruzvillegas, pour la charge sociale qu’il développent. Pour ce dernier, le matériau usagé, a priori sans qualités, est lesté de micro histoires qu’il sait élégamment mettre en lumière : ces agrégats précaires jouent avec la limite d’un inesthétisme qui rappelle toutes ces constructions informelles, sans volonté plastique, qui parsèment les quartiers périphériques de Mexico, capitale chaotique dans laquelle il a grandi. Si les « sculptures » de Cruzvillegas sont parfaitement unmonumental, pour reprendre le titre d’une exposition du New Museum3, elles participent aussi d’un éloge du prolétariat mexicain qui a su exploiter ces matériaux déclassés de la société de consommation dans une espèce de pragmatisme au quotidien4. Chez Panchal, le matériau industriel est source de ravissement, on dirait qu’il cherche à raviver le procédé par lequel ce dernier en est arrivé à ce stade là : en refaisant les étapes inverses de sa fabrication, dans un processus de révélation de sa beauté cachée… Altérations diverses, frottages, gommages, des gestes simples sont pratiqués pour restituer des coloris enfouis, des épaisseurs aux textures diverses, grâce à des procédés qui évoquent par moment l’univers du peintre, le pinceau en moins. Dans son œuvre, le rapport au monde extérieur ne passe pas par un refus de la production industrielle, c’est à l’inverse une bénédiction… Tout comme chez Kuri où l’on sent une espèce de jubilation pour la gamme infinie de nouvelles matières que l’industrie pétrolière est capable de produire. Il n’y a plus cette défiance envers la marchandise et ce refuge dans une vénération du matériau brut pour mieux rejeter un design synonyme de toutes les compromissions ; au contraire, on sent une acceptation du monde tel qu’il est, de ce qu’il produit, tout aussi bien matériaux neufs qu’objets usagés. Le matériau, pour ces descendants de l’arte povera, n’est plus idéologiquement chargé et c’est peut-être la principale différence avec leurs prédécesseurs.
Autre différence entre ces deux générations d’artistes qui peut paraître accessoire mais qui n’en est pas moins symbolique : la présence des femmes. L’arte povera est un art d’hommes, pour ne pas dire un art viril. Dans la longue liste des artistes présentés au Castello di Rivoli, seule une femme, Marisa Merz, émerge de ce continent masculin, et encore, l’on sait bien que sa présence n’est pas sans lien avec sa vie aux côtés d’un des chantres du mouvement transalpin. Quarante ans plus tard, cette ségrégation a de fait disparu : au Carré d’Art, le partage hommes-femmes est quasiment paritaire et n’a rien à voir avec une quelconque obligation politiquement correcte de représentation, les artistes femmes invitées le sont pour leur pertinence artistique. Parmi ces artistes, Karla Black occupe une place particulière par son usage des « matériaux » de la « féminité », les cosmétiques et autres produits de maquillage, dans des pièces qui mêlent ces matières inattendues dans la sculpture contemporaine à d’autres qui le sont tout autant mais pour d’autres raisons, comme ces plâtres de finition colorés qui font montre d’une grande précision dans leur choix et d’une grande délicatesse dans leur utilisation. Le matériau, chez Karla Black, peut être porteur d’une marque identitaire qui lui confère une place spécifique, ce qui la distingue des autres artistes précédemment évoqués. Mais n’en est-il pas de même chez Katinka Bock qui s’attaque à ce domaine réservé de la pratique masculine : la sculpture qui nécessite de manipuler de lourds blocs de pierre ? Sa gestion de ces blocs peut aussi se lire comme une métaphore d’un équilibre recherché, d’une tension maîtrisée là où une tradition masculine de la sculpture aurait plutôt tendance à se coltiner frontalement le matériau.
Patrice Joly
1 « Arte Povera 1968 », Musée d’art moderne de Bologne, du 24 septembre au 26 décembre
« Omaggio all’Arte Povera », MAXXI, Rome, du 7 octobre au 8 janvier
« Arte Povera 1967-2011 », Triennale de Milan, du 25 octobre au 29 janvier
« Arte Povera piu azioni povere », MADRE, Naples, du 11 novembre au 20 février
« Arte Povera alla GNAM », Galerie nationale d’art moderne, Rome, du 21 décembre au 4 mars
« Arte Povera in teatro », théâtre Margherita, Bari, du 15 décembre au 11 mars
« Arte Povera in città », GAMeC, Bergame, novembre 2011, avril 2012
2 Voir le texte de Joana Neves dans le catalogue de l’exposition « Pour un art pauvre », éditions archibook.
3 Voir le texte d’Aude Launay à propos de l’exposition « Unmonumental », « Wassup Britney ? », 02 n°45.
4 Voir la review d’Aude Launay sur l’exposition d’Abraham Cruzvillegas au Grand Café à Saint-Nazaire, 02 n°59.
Pour un art pauvre, Carré d’Art, Nîmes, du 4 novembre 2011 au 15 janvier 2012, avec Karla Black, Katinka Bock, Abraham Cruzvillegas, Guillaume Leblon, Thea Djordjadze, Gabriel Kuri, Guillaume Leblon, Gyan Panchal, Gedi Sibony.
Arte Povera International, Castello di Rivoli, du 9 Octobre 2011 au 19 Février 2012.
Curateurs : Germano Celant et Beatrice Merz. Avec : Vito Acconci, Carl Andre, Art & Language, Richard Artschwager, John Baldessari, Robert Barry, Lothar Baumgarten, Bernd & Hilla Becher, Joseph Beuys, Mel Bochner, Bill Bollinger, Daniel Buren, James Lee Byars, Hanne Darboven, Gino De Dominicis, Nicola De Maria, Jan Dibbets, Dan Flavin, Lucio Fontana, Hamish Fulton, Gilbert & George, Dan Graham, Rebecca Horn, Douglas Huebler, Joseph Kosuth, Barry Le Va, Sol LeWitt, Richard Long, Fausto Melotti, Reinhard Mucha, Bruce Nauman, Maria Nordman, Dennis Oppenheim, Edward Ruscha, Reiner Ruthenbeck, Salvatore Scarpitta, Gerry Schum, Richard Serra, Robert Smithson, Keith Sonnier, Andy Warhol et Lawrence Weiner.
« Black Apple Falls », exposition personnelle de Guillaume Leblon à la Fondation d’Entreprise Ricard, Paris, du 15 novembre au 23 décembre 2011. Curateur : Alessandro Rabottini.
Towards a poor art, the title of Françoise Cohen’s last show at the Carré d’Art in Nîmes, casts the shadow of a loaded paternity over this proposition by inevitably prompting comparison with Arte Povera, that artists’movement which came to the fore several decades ago on the far side of the Alps. If we find the title surprising, it is because it has the form of a manifesto for an historically dated movement. Over and above the reference to Arte Povera, there is thus the issue of the persistence of a name—that of “poor art”—supposed to retain all the relevance linking it to the cultural context of the time. This “poverty”, which already raised problems in the 1960s by not being sufficiently precise in its definition (what are we talking about? the austerity of materials? the clipped quality of a protocol?) is still raising them forty years later, because there is a feeling that it is still disguising a bunch of complexities, covering things up with many different layers of intent, meaning that the meeting of the two words “art” and “poor” seems immediately improbable. The exhibition currently on view at the Castello di Rivoli, Arte Povera International, confirms what we all know: art movements are usually the brainchild of art critics seeking to imprint a personal signature on artists who have a tendency to mix artistic involvement and career opportunities: everybody’s interest is fulfilled hereby. Almost fifty years later, what remains of that “poverty”? A formal unity that it is hard to put your finger on, a diversity which surprises those who only rubbed shoulders with the movement at several removes, by way of catalogues. That attachment to the material, and that sparseness of matter claiming to get away from the distancing of Conceptual Art and the theatricality of Minimal Art is, to be sure, ubiquitous, but what do Mario Merz’s cleverly piled bundles of wood have in common with the dizzy-making mirror games of an artist like Luciano Fabro? Precisely where one splashes about in his obsession with an almost womblike form which he harps on about ad infinitum, the other exhausts himself in games involving the eye’s disappearance. When an artist like Fabro goes on playing tightrope-walkers with his cross-shapes iron rods, minimizing the presence of the material, Paolini merrily mixes bronzes taken from classical statuary with intertwined silk pavilions. This “povera” of Arte Povera also seems to us extremely difficult to attain, and merely underscores the great formal wealth of this “poverty”.
This detour by way of the major figures of Arte Povera, most of whom are represented in the Turin exhibition and in a swarm of associated shows1 which are tantamount to a reflowering of the memory of this movement, helps to shed light on areas of contact with the young artists brought together at the Carré d’Art in Nîmes. As has been said over and over again, Arte Povera was a very local phenomenon in its geographical development, but it was extremely porous in relation to the art movements of the day, in particular to Process Art, whose prescriptions it adopted for a distanced relationship with the finished work.2 Obviously, however, it was for the most part an art of sculptors and installers, even if the term ‘installation’ had not yet been totally established. It would seem that it flirted with a utopian vision of the world, because the cinders of modernist preoccupations had not yet been completely cooled by the disillusionment of the postmodern period. This is definitely what “explains” the humanist dimension which we find in a more or less blatant way with figures such as Boetti and Anselmo. What is more, there is a real love of raw material, stone, marble, wood, animals, even, which may be analyzed as a kind of reaction to the overall corruption of that day and age by goods; just as there is a fondness for simple actions which lead us to elementary gestures, those of the studio extending those of the working-class world, and the countryman at work. Here again, we sense a reaction to the sophistication of the world and a return to simplicity, not to say austerity: in this respect, the piece by Giovanni Anselmo, Torsione (1968), on view at the Castello di Rivoli, results from the twisting of a piece of fabric about itself which, by imprisoning a rod at its end, keeps in reserve an energy that is ready to burst forth. There is in this piece, which is a delight to see again, a formal effectiveness which refers to a daily round of labour, just as we feel in the artist a true empathy with a world in the process of vanishing. Among the young artists brought together in Nîmes, one is struck by glaring similarities while, at other moments, comparison beseeches analysis. For example, let us take the piece by Pier Paolo Calzolari, Senza titolo (Lasciare il posto), 1967-1970: here we have a metal table on a stand, connected to a transformer giving it power, linking it to the world, and “activating” it. In Guillaume Leblon’s piece currently on view at the Fondation d’Entreprise Ricard in Paris, we find a somewhat similar atmosphere: a table, this time in a corner—undoubtedly more complex in its configuration, mixing brick, scrap metal and sheet glass—is covered by a hot plate covered in plaster: this latter is kept in a state of constant “cooking”, which stops it hardening. In a formal sense, something rather similar takes place. But with Leblon we feel that there is no longer too much “elsewhere”, we sense that everything is concentrated around this transformation of the primitive material, while, on the edge, the satellite forms make reference to art history, or –ies. With Calzolari it is more a matter of a sort of allegorization of the world, the piece being a metaphor of this latter upon which the artist still seems to want to act, like some idealist-cum-alchemist; with Leblon, possible “messages” have disappeared, the piece is valid in its own right, the arrangement releases and entertains its own formal beauty: we are referred to the clay and bric-à-brac of the studio, with this latter having a tendency to close itself in on itself, it self-fertilizes itself, and even parodies itself.
The artist plays with the memory of objects and thwarts certainties about their use, stopping just before an expected reading. In Nîmes, Leblon presents a series of crucibles used for casting two huge bronze monoliths to be found at the other end of the museum. The clay pots are presented as such, covered with metal runs, in a ready-made posture which challenges the very idea of the ready-made because these are objects hailing from a craftsman’s work: what matters here is the rough-and-ready result of this fusion which conjures up a studio labour with which is mingled something telluric. A piece by Giovanni Anselmo, also called Senza titolo (1984-1991), creates a tension between two large blocks of marble on the ridge of a large untouched canvas, one holding the other in an equilibrium that is precarious to say the least: how can one avoid finding the vocabulary of Katinka Bock and the way she riskily creates tensions between blocks of stone sometimes running through whole rooms in such a way that one cannot grasp the piece’s totality in one’s field of vision? Except that, with Katinka Bock, one feels a mistrust for all narrativity, it is the struggle between the blocks which interests her, more than the idea of pushing back the boundaries of the pictorial exercise, the way Anselmo does. Yet it is hard not to notice the attention paid by both these artists to the quiet strength that is released by the materials. As far as Thea Djordjadze is concerned, her praxis borrows some of the essential preoccupations of Arte Povera, in particular a quest for the definition and delimitation of space by way of arrangements of different kinds of materials: fragments of previously produced pieces, lightweight constructions designed quite patently not to be productive, as such somewhat akin to Boetti’s research involving hijacked uses of industrial design. But precisely where the Italian prefers a certain vertical rigidity for his sculptures, the Georgian dispatches the elements of an unstable ensemble, and one that is easily dismissible in its structure. Where Boetti seems to be still grappling with merchandise, Djordjadze is content to take cognizance of the cultural load of the forms she manipulates. Gedi Sibony possibly takes things still further in this absence of ideologization of the material: in a way, he seems a bit like the outsider in this show, he is the only artist not to “produce” any object, not to transform raw material into some kind of artistic gold. His art consists rather in a sum of gestures of great levity in their material consequences—so, no alteration of the materials, even less so any polishing, attachment or any sort of cut, he simply limits himself to sampling, here and there, elements which he reckons to be salient for the configuration of the places encountered, so as to displace them, and arrange them differently in order to re-orient the eye along new axes. As a result, he can decidedly “jam” his colleagues, disturb a space already occupied thanks to his micro-shifts which are as haughty as they are subtle—a sort of humming-bird artist.
For all this, is it possible to set a centripetal art against a centrifugal art, a present-day art which has apparently disengaged itself from the world, whereas Arte Povera was entirely dedicated to its involvement therein? The works of Abraham Cruzvillegas, Gyan Panchal and Gabriel Kuri offer a sutble response: the materials of the contemporary world interest them to a very great degree, at once because of their plastic features but also, and above all in the case of Cruzvillegas, for the social load that they develop. For this latter, the material used, on the face of it qualityless, is weighed down by micro-(hi)stories which he elegantly manages to shed light on: these precarious aggregations play with the boundary of a lack of aestheticism which calls to mind all those informal constructions, with no plastic determination, which dot the outlying neighbourhoods of Mexico City, the chaotic capital in which he grew up. If Cruzvillegas’s “sculptures” are thoroughly unmonumental, to borrow the exhibition’s title at the New Museum3, they are also part and parcel of a eulogy of the Mexican proletariat which has found ways of making use of these materials downgraded by the consumer society into a sort of day-to-day pragmatism.4 In the case of Panchal, industrial material is a source of rapture. It might even be said that he is seeking to reinstate the procedure whereby this latter has reached this particular stage: by remaking the reverse stages of its manufacture, in a process of revelation of its hidden beauty… Different alterations, rubbings, erasures, simple gestures are made to restore buried colours, and densities with diverse textures, thanks to processes which at times conjure up the world of the painter, minus his brush. In his body of work, the relation to the outside world does not proceed by way of a refusal of industrial production, it is, quite to the contrary, a blessing… Just as with Kuri, where we feel a sort of jubilation over the endless range of new forms of matter which the oil industry is capable of producing. There is no longer that mistrust of merchandise and that refuge in a worship of raw material, the better to reject a design synonymous with all manner of compromise; on the contrary, one feels an acceptance of the world as it is, of what it produces, be it new materials or used objects. For the descendants of Arte Povera, the material is no longer ideologically charged, and this is perhaps the main difference with their predecessors.
Another difference between these two generations of artists, and one which might seem secondary but which is no less symbolic for all that, is the presence of women. Art Povera is a men’s art, not to say a manly art. In the long list of artists being shown at the Castello di Rivoli, just a lone woman, Marisa Merz, stands out from that male contingent, and even there we know only too well that her presence is not unconnected with her life alongside one of the champions of the trans-Alpine movement. Forty years on, that segregation has in fact gone: at the Carré d’Art, the men-women split is more or less even, and has nothing to do with any politically correct obligation involving representation—the women artists invited are there because of their artistic relevance. Among these artists, Karla Black has a special place because of her use of “materials” of “femininity”, cosmetics and other make-up products, in works which mix these unexpected materials, in terms of contemporary sculpture, with others which are just as surprising but for other reasons, like these plasters with their coloured finish which display great precision in their choice and great subtlety in their use. With Karla Black, the material may convey a mark of identity which lends it a specific place, which sets her apart from the other afore-mentioned artists. But does not the same thing apply to Katinka Bock, who grapples with this field earmarked for male activity: sculpture which calls for handling heavy blocks of stone? Her management of these blocks can also be read as a metaphor of a sought-after balance, a tension controlled precisely where a male tradition of sculpture would tend to put up with the material in a head-on way.
1 “Arte Povera 1968”, Museum of Modern Art, Bologna, from 24 September to 26 December
“Omaggio all’Arte Povera”, MAXXI, Rome, from 7 October to 8 January
“Arte Povera 1967-2011”, Milan Triennale, from 25 Octobre to 29 January
“Arte Povera piu azioni povere”, MADRE, Naples, from 11 November to 20 February
“Arte Povera alla GNAM”, Galeria nazionale d’arte moderna, Rome, from 21 December to 4 March
“Arte Povera in teatro”, Teatro Margherita, Bari, from 15 December to 11 March
“Arte Povera in città”, GAMeC, Bergamo, November 2011, April 2012
2 See the essay by Joana Neves in the exhibition catalogue “Pour un art pauvre”, éditions archibook.
3 See the essay by Aude Launay on the exhibition Unmonumental, Wassup Britney?, 02 n°45.
4 See the review by Aude Launay of the Abraham Cruzvillegas show at the Grand Café in Saint-Nazaire, 02 n°59.
Pour un art pauvre, Carré d’Art, Nîmes, from 4 November 2011 to 15 January 2012, with Karla Black, Katinka Bock, Abraham Cruzvillegas, Guillaume Leblon, Thea Djordjadze, Gabriel Kuri, Guillaume Leblon, Gyan Panchal, Gedi Sibony.
Arte Povera International, Castello di Rivoli, from 9 October 2011 to 19 February 2012.
Curators: Germano Celant and Beatrice Merz.
With: Vito Acconci, Carl Andre, Art & Language, Richard Artschwager, John Baldessari, Robert Barry, Lothar Baumgarten, Bernd & Hilla Becher, Joseph Beuys, Mel Bochner, Bill Bollinger, Daniel Buren, James Lee Byars, Hanne Darboven, Gino De Dominicis, Nicola De Maria, Jan Dibbets, Dan Flavin, Lucio Fontana, Hamish Fulton, Gilbert & George, Dan Graham, Rebecca Horn, Douglas Huebler, Joseph Kosuth, Barry Le Va, Sol LeWitt, Richard Long, Fausto Melotti, Reinhard Mucha, Bruce Nauman, Maria Nordman, Dennis Oppenheim, Edward Ruscha, Reiner Ruthenbeck, Salvatore Scarpitta, Gerry Schum, Richard Serra, Robert Smithson, Keith Sonnier, Andy Warhol and Lawrence Weiner.
Black Apple Falls, solo show of Guillaume Leblon’s work at the Fondation d’Entreprise Ricard, Paris, from 15 November to 23 December 2011. Curator: Alessandro Rabottini.
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