r e v i e w s

ERIC HATTAN – Into the White

par Raphael Brunel

Le Mac/Val lance un programme de carte-blanche qui offre aux artistes la possibilité d’intervenir dans l’accrochage de la collection du musée. Confié à Alain Bublex, l’acte 1 du projet plongeait les œuvres dans le noir tout en donnant une allure de chantier, de travaux en cours, à l’image de sa ville utopique Glooscap, aux espaces d’exposition. Acte 2 : Eric Hattan reprend le flambeau dans un « Into the White » solaire, qui évoque autant l’insatiable White Cube, le livre et le film Into the Wild que le titre d’une de ses vidéos montrant la projection d’un nuage de neige sur le pare-brise d’une voiture. Le travail d’Hattan s’annonce ainsi sous le signe du voyage, de la perturbation visuelle et d’une fascination pour les territoires polaires.

Vue de « Into the white », carte blanche d’Eric Hattan dans la collection du MAC/VAL. Photo Jacques Faujour © Adagp, Paris 2009

Vue de « Into the white », carte blanche d’Eric Hattan dans la collection du MAC/VAL. Photo J. Faujour © Adagp, Paris 2009

Il réagence ses anciennes œuvres avec celles de la collection du Mac/Val, cherchant à établir une succession d’échos formels, d’interférences et de mises en scène poétiques, les fondant avec légèreté, comme s’il en avait toujours été ainsi, au sein d’un accrochage déjà orchestré. Etranger à une approche ex nihilo de la création, il s’appuie comme sur une béquille sur un « déjà-là », sur une double matière existante – la sienne et celle des artistes exposés –  qui sert de point de départ à une intervention ambigüe, aux airs de rétrospective camouflée. Non sans humour et avec un impact visuel réel, il fait planer la menace factice de son installation Vous êtes chez moi, un ensemble de caisses de conditionnement d’œuvres suspendues dans les airs, sur le spectateur et sur les pièces de Davide Balula, César ou Pierre Ardouvin. Il infiltre ainsi une œuvre qui entre en relation avec le corps et l’espace d’exposition, mais dont la signification reste incertaine, ouverte, comme une trace ou une amorce de scénario, aux multiples interprétations des visiteurs, engendrant ainsi le perpétuel recyclage de son devenir. Ce sentiment d’indétermination et de liberté conjuguées semble renforcé par la nature tour-à-tour illusoire et transitoire des pièces d’Eric Hattan. Le spectateur plonge ainsi dans des espaces intérieurs en frottant l’œil à un judas et ses vidéos livrent une matière brute qui fonctionne comme un carnet de notes ou de croquis, où se dessinent les « presque-riens » du quotidien, les flashs d’une banalité chargée d’histoires parfois insolites. Elles sont réunies dans un dédale de moniteur et côtoient les projections d’images captées lors de ses voyages dans les régions du Grand nord. Cette salle échappe d’ailleurs à la règle du jeu de la carte-blanche en étant pleinement consacrée au travail de l’artiste suisse.

Si l’intervention d’Eric Hattan passe évidemment par la matérialité de ses œuvres, une idée plus conceptuelle et excitante y agit de manière souterraine. Il n’a en effet de cesse de se référer à une partition dont il se fait l’héritier et en quelque sorte le garant, en prenant notamment le parti de laisser visible, bien qu’il les raye, les cartels de l’incursion de Bublex. Il révèle ainsi les bases d’une pratique artistique qui repose moins sur une sorte de ready-made muséographique que sur une sédimentation des approches, où la trace du préalable et le devenir de l’œuvre se confondent, à la manière d’un palimpseste, dans un espace-temps commun.

ERIC HATTAN – Into the White
Mac/Val
27.06 – 01.11 2009


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