Marion Verboom

par Vanessa Morisset

Peptapon

Chapelle du Genêteil, Château-Gontier, 12.06-29.08.2021

D’une saison à l’autre, chaque exposition à la chapelle du Genêteil réserve la surprise de découvrir comment les artistes invité·e·s ont pensé jouer avec les caractéristiques du lieu. À qui s’y rend pour la première fois, l’occasion est offerte de voir une belle proposition curatoriale qui tente d’établir des correspondances (ou, au contraire, d’exprimer des dissonances) entre le style roman de la bâtisse et des œuvres d’art actuelles. Pour les habitué·e·s, en particulier le public local, les expositions successives composent une exploration continue des possibilités de présentation des œuvres, avec parfois des sources d’inspiration des plus audacieuses : vaste table de banquet ou défilé de carnaval, attirant l’attention tantôt sur les arcs en plein cintre des fenêtres, tantôt sur le sol ou la charpente… On peut se souvenir notamment de l’une des dernières prouesses en date : l’exposition de Stéphanie Cherpin l’été dernier, qui avait structuré l’espace en créant des effets de surprise, à la fois dans la scénographie et dans le parti pris des œuvres qu’elle avait présentées1.

Vue de l’exposition PeptaponMadone 1 et Madone 2, Crédit photo : Nicolas Brasseur

Cet été, c’est Marion Verboom qui y a installé les siennes. Inspirées par les propositions précédentes, elles structurent l’espace de manière à poursuivre les recherches de l’artiste à ce sujet.

Dans cette exposition mystérieusement intitulée « Peptapon », nom d’un matériau utilisé pour l’émaillage des céramiques, mais choisi sans doute autant pour cette signification que pour sa sonorité, elle montre donc des céramiques — son médium de prédilection — mais aussi des pièces intégrant d’autres matériaux – notamment la pâte de verre qu’elle travaille depuis peu – dans des assemblages où se sont glissés des éléments inattendus chez elle – par exemple, des Led. Puis, et surtout, elle utilise un mobilier scénographique qui, tout en dialoguant avec le contexte de la chapelle, renouvelle un aspect de son travail : la question des socles.

Dans une ressemblance avec les totems, les sculptures en céramique de Marion Verboom travaillaient jusqu’à présent la forme de l’accumulation verticale, l’interdépendance des parties par rapport au tout, les contrastes de couleurs, de matité ou de brillance, dans un héritage bien sûr brancusien. Ici, elles se présentent de manière un peu différente, plus autonomes, dispersées dans l’espace d’exposition. On circule ainsi comme d’un îlot à un autre, mondes miniatures chacun constitué d’un socle et d’une ou deux œuvres, dans une configuration différente à chaque occurrence, mais toujours relié au suivant par des détails visuels récurrents. Les œuvres peuvent être verticales ou horizontales, en plein volume ou en bas-relief… Toutes mêlent cependant du géométrique et du figuratif, des textures minérales et d’autres organiques, des zones opaques et des transparentes, toujours dans l’évocation d’un travail précieux, rappelant les domaines de la joaillerie ou de la bijouterie…

Vue de l’exposition PeptaponFlor et Apex, Crédit photo : Nicolas Brasseur

Les socles sont quant à eux de tailles et de formes variées mais peints dans une même gamme de couleur allant du beige au marron en passant par le rose, en écho aux murs de pierres beige-rosé de la chapelle. À vrai dire, ces constructions ont un statut assez inédit. Elles ne font pas œuvre à proprement parler mais sont toutefois fortement présentes. Elles évoquent autant des maquettes, des maisons de poupée, des podiums, voire des présentoirs de magasins (et on retrouve là encore le thème de la joaillerie ou de la bijouterie). D’un style minimaliste, elles répètent aussi à différentes échelles le motif de l’arc en plein cintre typique de l’époque romane, tout en rappelant également les architectures représentées dans les peintures métaphysiques de Giorgio de Chirico. D’ailleurs, une cloison a été bâtie à peu près au milieu de l’espace, laissant une ouverture en arrondi, aussi basse que celles que l’on trouve dans les couloirs des vieux châteaux, qui offre un point de vue énigmatique autant qu’un point de passage sur un deuxième espace de l’exposition. Ces constructions animent véritablement l’espace, en le découpant, en le structurant, en orientant le regard, placé à des hauteurs variées. Elles font totalement partie de l’exposition et assurent la transition entre l’architecture et les œuvres. On retrouve donc dans « Peptapon », de Marion Verboom, une constante des expositions de la chapelle du Genêteil: des artistes reconnu·e·s expérimentent, renouvellent leur pratique, dans un esprit de grande exigence, tout en restant accessible à un public de fidèles composé surtout d’un public local (même s’il est bien entendu fortement recommandé de venir à Château-Gontier même sans être local) au sein d’un accrochage qui n’a jamais rien à envier aux plus célèbres institutions artistiques, au contraire.


  1. Voir la review sur Gontierama 2020 : www.zerodeux.fr/reviews/gontierama-2020/

Image en une : Vue de l’exposition Peptapon, de gauche à droite : Sliced clouds, Madone 1, Madone 2, Brocken glory, Crédit photo : Nicolas Brasseur



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