Ericka Beckman, Works 1978 – 2012

par Benoit Lamy de la Chapelle

Kunsthalle de Berne, du 7 juin au 4 août 2013

La Kunsthalle de Berne présentait cet été la première rétrospective de l’artiste américaine Ericka Beckman, dont l’œuvre énigmatique et encore trop méconnu nous prouve que la « Pictures Generation » recèle encore de nombreux talents à découvrir.

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ERICKA BECKMAN Works 1978-2012, vue de l’exposition à la Kunstalle de Berne, 2013. Crédit photo : Gunnar Meier.

ERICKA BECKMAN Works 1978-2012, vue de l’exposition à la Kunstalle de Berne, 2013. Crédit photo : Gunnar Meier.

Après des études à New York, Ericka Beckman part compléter son enseignement à Cal Art en 1975. Elle y rencontre Mike Kelley, suit les cours de Vito Acconci, découvre les performances de Guy de Cointet et s’y forge une riche expérience qu’elle met en pratique de retour à New York. À l’aide de caméras 16 mm et super 8, elle tourne des films dans son atelier plongé dans l’obscurité et transformé en véritable plateau de tournage. Y participent de nombreux figurants tels que Mike Kelley, Ashley Bickerton, Matt Mullican, Steven Parrino ou encore Paul McMahon. Epigones des « Structural films », ses films s’en éloignent de par leurs aspects résolument performatifs et leur narration assumée. À la fois influencée par la performance alors en vogue, la musique expérimentale et la psychologie du développement de Jean Piaget, Ericka Beckman se sert du processus cinématographique afin d’illustrer dans quelle mesure la gestualité devient mémoire et ainsi, la base de la codification de l’identité. Le format cinématographique s’impose à elle en tant qu’il retransmet fidèlement la présence de la performance, « à taille humaine », contrairement aux performance-vidéos (Nauman, Acconci, Rosler…), dont la retransmission sur moniteur élevé sur socle s’avère limitée en ce qui la concerne. We Imitate : We Brake Up (1978), The Brocken Rule (1979) ou You The Better (1983) témoignent de l’intérêt qu’elle porte aux sports de compétition, aux jeux vidéo, de société, et au passage de l’enfance à l’âge adulte. L’univers du conte et les différents niveaux d’apprentissage se précisent dans Cinderella (1986) et dans Blind Country (1989), lequel écrit et interprété par Mike Kelley, peut rétrospectivement se comprendre comme un prélude à ses Educational Complex (1995). Si à l’image de l’incontournable Hiatus (1999), l’esprit des nouvelles technologies et les espaces virtuels abondent dans ses films, il n’y parait aucun trucage réalisé par ordinateur. Les retouches sur pellicules sont artisanales, les décors et accessoires entièrement fabriqués par l’artiste, et sa voix accompagne souvent les percussions des bandes-son cacophoniques.

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ERICKA BECKMAN Works 1978-2012, vue de l’exposition à la Kunstalle de Berne, 2013. Crédit photo : Gunnar Meier.

ERICKA BECKMAN Works 1978-2012, vue de l’exposition à la Kunstalle de Berne, 2013. Crédit photo : Gunnar Meier.

À Berne, ces films sont projetés dans des salles aérées, dont certaines sont dotées d’éclairages colorés assortis aux tonalités dominantes des œuvres présentées, proposant ainsi aux spectateurs une expérience immersive et sonore. Quelques objets çà et là jonchent le parcours, faisant écho aux jeux d’enfants de Out of Hand (1980). Ses travaux photographiques semblent avoir figé certaines scènes ou personnages de ses films, qui se trouvent comme réanimés par des effets à la fois sonores et lumineux. Des dessins de type « storyboard » flanquent le mur d’une salle de cinéma reconstituée comme pour souligner l’importance de ce médium chez l’artiste.

Au lieu d’une banale enfilade de projections, c’est donc toute l’ambiance si particulière aux réalisations d’Ericka Beckman, que cette exposition s’applique à restituer. Assorties d’une esthétique aux couleurs saturées, d’une atmosphère ludique et faussement naïve, les œuvres d’Ericka Beckman nous projettent dans un univers onirique, à la fois familier et difficilement situable, dans lequel la présence et la mémoire du spectateur se trouvent inextricablement impliquées.


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