Anne-Charlotte Finel
Galerie Édouard-Manet, Gennevilliers, 14.01—11.03.2017
On ne mentira pas en écrivant ici à quel point l’exposition personnelle d’Anne-Charlotte Finel à la galerie Édouard-Manet de Gennevilliers est une petite merveille, avec son lot d’illuminations et de bruissements.
L’artiste y présente une dizaine de vidéos accompagnées par la musique puissante de Luc Kheradmand, laquelle nous vrille dès l’entrée. Faire l’expérience d’enfoncer dans ses oreilles de légères boules Quies en espérant atténuer le son, c’est s’apprêter à accepter d’avoir les vertèbres qui continuent à s’entrechoquer. Paradoxalement, les vidéos demeurent, en dépit des vibrations continues de la musique, particulièrement silencieuses et énigmatiques. Anne-Charlotte Finel propose ainsi des œuvres qui semblent hantées, habitées par des paysages plus que par des êtres vivants, chaque vidéo paraissant filmée dans la brume du matin ou un brouillard blanc de début de soirée, noyée dans un grain qui altère les espaces autant qu’il les révèle.
L’exposition est conçue comme une promenade hallucinée entre diverses images animées d’où la narration est absente, métamorphosée en propositions hypnotiques en boucles subtiles et quasi monocolores. L’artiste s’attache en effet aux détails et excelle par exemple dans son appréhension de l’eau, qu’elle filme en un vortex inquiétant dans La crue ou en rideaux dans Mur. Il s’agit là d’une eau représentée comme on représenterait une peau, traversée par des ombres, avec ses aspérités comme ses velléités, notamment à vouloir toujours s’échapper et à fuir. Difficile de dire si l’eau est ralentie ou si c’est la légère neige qui recouvre toutes les images qui lui donne ce caractère particulièrement gracieux, comme s’il s’agissait d’une mousseline qu’on n’en finit pas de froisser. Dès lors, des phénomènes d’inversion éclosent et il devient difficile de décrire nettement ce que l’on voit, de savoir si nous sommes face à des élévations ou à des chutes perpétuelles.
Quand Anne-Charlotte Finel recule avec sa caméra, les paysages en deviennent d’autant plus mystérieux, en raison des frissons qui les saisissent, à l’instar d’une montagne possiblement empaquetée par les brumes, ou d’espaces industriels dans lesquels seules les traces d’êtres humains que l’on ne verra jamais se dévoilent par éclats fugaces : un phare devient une révélation lumineuse au milieu d’une nuit altérée. L’idée d’apparition semble tout indiquée pour caractériser le travail de l’artiste, dont certaines vidéos se recouvrent de taches lumineuses au milieu de l’obscurité, semblables à celles qui apparaissent sur des lunettes aspergées de gouttes d’eau de mer et traversées par le soleil. Alors, sans doute pourrait-on dire à propos des œuvres d’Anne-Charlotte Finel : les images scintillent, elles tremblent, elles irradient.
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- Du même auteur : Collections photographiques, L’art dans les chapelles, 27e édition, Art on paper,
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