De décennies en millénaires, Smells Like Ten Spirit

par Aude Launay

« 1984-1999 La décennie », Centre Pompidou-Metz, du 24 mai 2014 au 2 mars 2015.

« Le mensonge de l’après-coup [1] ». C’est en ces termes que François Cusset aborde l’épineuse question de la caractérisation d’une période dans son texte introductif de l’ouvrage qui accompagne l’exposition « 1984-1999 La décennie ». De sa méditation désillusionnée sur les effets de la périodisation du temps, l’on retiendra que, bien que ce soit toujours pour tenter de définir notre présent que l’on s’essaie à le circonscrire de temps alentour, « être de son temps, c’était cette fois ne pas en être [2] ». Être un negative creep, un farouche opposé à défaut d’un opposant, c’était tenter de fuir le présent mais pour quelles contrées ? On ne se réfugiait alors pas plus dans un cyberfutur dont on n’attendait pas grand-chose que dans un passé au brouhaha télévisuel incessant dont on ne voulait plus. Difficile, avec une telle entrée en matière qui commence par affirmer qu’une période est difficilement définissable et qui propose, ensuite, de définir ladite période par la négative, de comprendre qu’un tel ouvrage soit publié en écho à une exposition intitulée « La décennie ». C’est pourtant ce à quoi s’est risquée Stéphanie Moisdon en proposant à l’historien de compléter son travail de curatrice sur cette décennie qui n’est pas plus nommée que celle qui fut son sujet d’études lors de l’édition 2007 de la biennale de Lyon.

Évidemment partial et partiel, le panorama qu’elle dresse de ces années ne peut que décevoir ; qui parce qu’il n’y retrouve pas l’artiste qui lui semblait emblématique de « l’époque » —comme la playlist de tubes nineties disponible sur l’audiopen (audioguide du futur, enfin, d’aujourd’hui) sur laquelle ne figurera peut-être pas le titre dont il s’était entiché alors —, qui parce qu’il peinera à apprécier cette mise sous cloche des années passées. L’horizon d’attente du visiteur est ici sursollicité, de même que son affectivité. Comment ne pas projeter ce que nous évoque une période sur ce que l’on nous donne en pâture et, forcément, le ressentir comme insuffisant, voire faux ? La charge émotionnelle est forte.

Carsten Höller, Photo de Groupe, 1996. Photographie noir et blanc / Black & white photograph, 188 x 129 x 2,2 cm. Courtesy Carsten Höller ; Air de Paris, Paris. © Adagp, Paris 2014.

Carsten Höller, Photo de Groupe, 1996. Photographie noir et blanc / Black & white photograph, 188 x 129 x 2,2 cm. Courtesy Carsten Höller ; Air de Paris, Paris. © Adagp, Paris 2014.

L’on déambule donc dans un paysage de synthèse qui provoque une étrange impression, comme si un voile doux-amer s’était posé sur chaque chose, nimbant l’environnement de lumières feutrées. Tout est grisé, assourdi, tout est simulé, comme factice, figé. La scénographie tient dans ce tableau une place si importante qu’elle semble asservir les œuvres qui viennent s’y insérer sur la pointe des pieds. Où sommes-nous ? Entre une vue nocturne de l’hyperbolique Los Angeles —oui, vous savez, cette ville de laquelle Bret Easton Ellis disait que les gens avaient peur de se retrouver sur ses autoroutes, dans la première phrase d’un premier roman qui inaugura un certain renouveau de la littérature transgressive et qui, surtout, semblait se saisir du zeitgeist comme rarement — et l’image d’une forêt dense qui viennent obscurcir les immenses baies vitrées du centre Pompidou, nous ne savons plus très bien. Au sol, un revêtement qui évoque les plaques de Lego, gris pour figurer le béton, vert pour les zones herbeuses. Le rythme est binaire, le tout, extrêmement symboliste. Quelques pièces sur des plateformes, des socles ou des moniteurs scandent le caractère expositionnel du display, tandis que d’autres, s’inscrivant de manière plus immédiate dans l’espace, s’agencent en ensembles amorçant des récits, évoquant les images construites par Éric Troncy dans ses expositions, ces « moments en plus dans la vie des œuvres [3] » qu’il se plaît alors à mettre en scène dans des événements à la qualité spectaculaire assumée et comparable à celle « d’un film, d’un concert ou d’une émission télévisée [4] ».

Côté « forêt », le panneau Welcome to Twin Peaks réalisé par Philippe Parreno pour les jardins de la Villa Arson lors de l’exposition « No Man’s Time » (No More Reality (Twins Peaks), 1991) confirme l’importation de fiction que l’on soupçonnait depuis les maquettes d’architecture présentées dans la salle « avec vue sur LA ». Toute proche, sa pierre philosophante (Cours de dessins : la pierre qui parle, 1994) parle de la lumière si caractéristique de la sitcom — objet télévisuel typique des 90’s — : « tout est montré, il n’y a pas d’ombre, on ne peut plus jouer avec son ombre comme Peter Pan », soulignant cette impression d’un monde clos sur lui-même que l’on avait ressentie dès l’entrée. Leur faisant face, ce que l’on pourrait appeler un « espace de convivialité », en un rappel de la « forme relationnelle » théorisée par Nicolas Bourriaud qui se basait pour cela sur le travail d’une bonne partie des artistes présents ici : des tables et des bancs devant un miroir de Liam Gillick et à proximité d’étagères contenant des livres à feuilleter. Mais l’air du temps a passé et les théories se sont quelque peu évanouies ; présenter un espace de ce type dans une exposition en 2014 en fait-il un espace de convivialité réel ou figuré ? Est-ce une sorte de reenactment ? Bien évidemment, nous n’irons pas voir là un quelconque acquiescement aux exigences d’un service pédagogique institutionnel, bien que cet aspect fasse désormais partie intégrante du dispositif d’exposition en institution. L’on retiendra d’ailleurs de la visite commentée de la curatrice une anecdote à ce sujet : lorsque l’on a remarqué les filins de sécurité devant le Stonehenge miniature de Karen Kilimnik, elle s’est exclamée : « avant, il n’y avait personne dans les expositions, maintenant que l’art contemporain fait partie d’un moment social avec ses visites obligées, on doit prendre des mesures de sécurité. »

Exposition « 1984-1999. La Décennie », Galerie 1, Nature, extérieur, jour.

Exposition « 1984-1999. La Décennie », Galerie 1, Nature, extérieur, jour.

Exposition « 1984-1999. La Décennie », Galerie 1, Ville, intérieur, nuit.

Exposition « 1984-1999. La Décennie », Galerie 1, Ville, intérieur, nuit.

« 1984-1999 » est une superposition, une addition, un assemblage d’objets de différentes natures— ici des œuvres proprement dites, des films de cinéma, des romans, de la musique, des objets usuels…—, de sensibilités multiples — celles de la curatrice, de la scénographe qui est en l’occurrence une artiste, celles qui affleurent dans les pièces regroupées et, bien évidemment, celle du visteur qui vient s’y surajouter— dans une unité de lieu tout ce qu’il y a de plus artificielle. Comme toute exposition. Cependant toute exposition ne propose pas de réinvestir un temps passé et pourtant proche, ne propose pas cette double expérience à la fois de l’exposition en tant que telle — expérience de regardeur désormais classique — mais aussi de l’exposition comme se réclamant d’un ailleurs, qu’il soit temporel ou géographique.
C’est une histoire d’atmosphère, donc, que nous content ici Stéphanie Moisdon et Dominique Gonzalez-Foerster, une histoire dans laquelle il n’y a peut-être pas tant à voir ou à lire qu’à ressentir. Ou, pour citer l’une des œuvres présentées : « 1. Nous visons tous le même objectif. 2. Les visiteurs viennent chercher du rêve […] » (Angela Bulloch, Toison d’or, 1994).

Avec un « je » que j’oserai pour la circonstance, je pourrais dire que j’y ai retrouvé les images et les sons qui ont formé mon paysage adolescent et même d’avant, qui font partie des premiers sons et des premières images dont j’ai un clair souvenir : le visage de Kate Moss en noir et blanc, bien sûr, la musique de Portishead et de Nirvana, le minitel qui fut mon « premier ordinateur » et le walkman l’un de mes meilleurs amis, et quelques-uns parmi les premiers artistes qui m’ont fascinée… Du rêve ? Je ne sais pas.
Les années quatre-vingt-quatre-vingt-dix ont en effet vu l’exposition être théorisée comme « format », comme « médium », analysée sous autant de vocables que naissaient d’hypothèses à son sujet. Jamais peut-être depuis Duchamp scénographe on ne se sera autant adressé au « spectateur », pardon, au « regardeur », oups, au « regardeur-participant », enfin, à celui qui aura poussé la porte d’entrée d’un lieu d’art contemporain. (Relire l’Esthétique relationnelle [5] ou « Le spectateur et l’accident [6] » pour ceux qui en douteraient encore…) « Lieu d’actualisation des formes, l’exposition n’est pas une finalité mais un moment », explique Stéphanie Moisdon au sujet de celle-ci. « Ici, ce qui construit le parcours c’est l’hésitation » ajoute-t-elle. Propos qu’elle complète dans son texte, écrivant : « le propre de ces années-là est une sorte de suspension, qui laisse irrésolues les oppositions entre le majeur et le mineur, entre les époques et les genres […] [7] ». Exactement comme le fait « 1984-1999 », nous laissant irrésolus nous-mêmes quant à notre avis à son sujet, « après-coup ». Elle a, en tout cas, le mérite de nous faire nous poser une question cruciale : l’art est-il intrinsèquement contextuel ?

  1. François Cusset « Hors temps », in Une histoire (critique) des années 1990, de la fin de tout au début de quelque chose, Coédition La Découverte / Centre Pompidou-Metz, p. 13.
  2. p. 21. Et : « Jamais peut-être plus qu’en ce temps, si récent, aura-t-on creusé autant de galeries souterraines pour s’éloigner du sol d’une époque, inventé autant de contre-mondes dans l’indifférence au monde qui est, exploré autant d’échappatoires hors des lignes droites du temps. » p. 20.
  3. Éric Troncy, « La satiété du spectacle », in Coollustre, Les presses du réel, p. 7.
  4. Ibid.
  5. Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Les presses du réel, 2001.
  6. Éric Troncy, « Le spectateur et l’accident », in Art Press n°226, été 1997, republié dans Le docteur Olive dans la cuisine avec le revolver, Les presses du réel, 2002, p. 9-16.
  7. Stéphanie Moisdon, « Arts visuels : la première génération », in Une histoire (critique) des années 1990… op.cit. p. 120.

Deux questions à Stéphanie Moisdon

Quel sens a, selon vous, l’expression « génération d’artistes » ?

Le terme de génération n’est pas le plus approprié pour qualifier ce que nous avons voulu décrire avec Dominique, c’est-à-dire le portrait d’un temps et d’un groupe, d’un groupe qui n’était pas homogène mais fait de plusieurs groupes à géométrie variable qui n’étaient pas assignés à une seule géographie, à un lieu ou à une pratique distincte et qui se méfiaient particulièrement des manifestes, du biotope générationnel, en opposition à la génération 68. Ces regroupements sont faits de connivences, ils se fondent sur un champ d’expérience commun, des expériences fugitives dont on peut difficilement délimiter les contours, qui échappent aux grands récits, qui ne forment pas un seul bloc historique, social, culturel et politique auquel une « génération » pourrait se référer. Ceux qui se retrouvent autour de ces expériences communes — expositions, magazines et autres situations temporaires — mettent en crise le principe de génération : ils n’appartiennent pas à la même classe d’âge, n’entendent pas engendrer des formes durables, ni trouver une descendance. Ils sont ensemble et séparés, dans et sans le monde, adolescents éternels sans filiation.

Puisque l’ouvrage qui accompagne l’exposition se définit comme une histoire « critique » des années 90, serait-il opportun d’appliquer cet adjectif à votre exposition ?

C’est peut être là la grande cohérence de cette époque, qui libère et relance une pensée critique, qui la renouvèle dans les formats et les méthodes, comme on renouvelle radicalement les manières de faire de l’art et les expositions, les modes de représentation, un imaginaire spectral, fantomatique, libéré de la productivité. J’ai voulu dans l’exposition rendre compte de cette radicalité critique qui ne se fixe sur aucun contenu en particulier et sur tous à la fois, qui s’exerce tous azimuts, sans maîtres penseurs ni volonté de contrôle, de manière désordonnée, partielle, parfois frappée d’amnésie ou d’infantilisme, mélancolique et joyeuse.

Aude Launay talks to Stéphanie Moisdon

For you, what does the expression “generation of artists” mean?

The term ‘generation’ is not the most suitable one to describe what we were trying to say with Dominique, by which I mean the portrait of a time and a group of people: a group that was not all the same but made up of several varied subgroups not associated with a particular geography, place or practice, and which, unlike the ’68 generation, were particularly mistrustful of manifestos and the generational biotope. These clusters were based on complicity, common experience, transient experiences difficult to define and which evade broad labels, that together do not form a single historic, social, cultural and political bloc to which a ‘generation’ might belong. Those people who come together in shared experiences, such as exhibitions, magazines and other temporary situations, undermine the principle of a generation. They are not in the same age group, have no intention of creating durable forms, nor of stimulating a succession. They are together yet separate, within and without the world, eternal adolescents without filiation.

As the book that accompanies the exhibition calls itself a “critical” history of the ’90s, would it be right to apply the same adjective to your exhibition?

Therein perhaps lies the unity of this period, which liberates and relaunches critical thought, and renews both its formats and methods, in the same way that the methods of making art and exhibitions are being radically renewed, manners of representation, a spectral, phantasmal imaginary freed from productivity. In this exhibition I wanted to take account of this critical radical spirit, which does not target any particular content but all of it together, which applies itself in all directions, without following any guiding minds, without any desire for control, and in a disordered, partial manner, sometimes affected by forgetfulness or childishness, despondent and joyful.


From decades to millennia, Smells Like Ten Spirit

“1984–1999 La décennie”, Centre Pompidou-Metz, 24 May 2014 – 2 March 2015.

“The lie of the après-coup”.[1] This is how François Cusset broaches the thorny question of how to characterize a period in his introduction to the publication that accompanies the exhibition “1984–1999 The Decade”. His disillusioned meditation on the effects of periodization informs us that, although it is in order to define our present time that we delimit it from the surrounding time, “being of one’s time on this occasion meant not being of it”. [2] Being a negative creep, fiercely opposed though not an opponent, was like an attempt to escape the present – but to go where? In those days you could no more take refuge in a cyber-future from which you had no great expectations than you could in a past of a constant and undesired televisual hubbub. With such an opening, which begins by stating that a period is difficult to define and which continues by defining that same period by saying what it wasn’t, it is difficult to understand that the book in question is being published in tandem with an exhibition called “The Decade”. This is, however, what Stéphanie Moisdon risked when she asked this particular art historian to contribute to her work as curator on this decade, which no more bears a name than the one she treated at the 2007 Lyon Biennale.

Clearly partial – in both senses of the word – the horizon she describes can only disappoint: those who do not find the artist who seemed emblematic of the “period” – like the playlist of Nineties songs available on the audio-pen (the audio-guide of the future, that is to say, now), which may not include the hit you used to be so hooked on; or those who find it hard to objectify such a recent period of subjective history. Visitors’ expectations, just like our emotional attachments, are overly appealed to. How can we not project what a period arouses in us onto the scraps we are given and, inevitably, not feel it as unsatisfactory, even false? The emotional charge is a powerful one.

You wander through an artificial landscape that creates a strange impression, as though a bitter-sweet veil had been placed over each object, enveloping everything in suffused light. Everything is dimmed, muffled, simulated, as though it were an imitation, frozen. The setting for this composition takes on such importance that the works hardly dare to make their presence felt. Where on earth are we? With, on the one hand, a night-time view of hyperbolic Los Angeles – you know, the city where Bret Easton Ellis said the inhabitants were scared to merge on freeways in the first sentence of a first novel that inaugurated a certain renewal of transgressive literature, and which above all seemed to grab the zeitgeist in a way that has rarely happened – and, on the other, the picture of a thick forest which shut out the light of the huge plate glass windows of the Centre Pompidou, we really don’t know any more. The floor covering is like Lego baseplates, grey to look like concrete, green for the grassy areas. Everything is binary, and extremely symbolist. Some of the pieces are placed on platforms, plinths and computer monitors that punctuate the expository nature of the display, while others, occupying the space more immediately, band together to create narratives, evoking images constructed in his exhibitions by Éric Troncy, those “additional moments in the life of works”, [3] which he likes to present in events given the atmosphere of a show, comparable to that of “a film, a concert or a television show”. [4]

Philippe Parreno, No More Reality (Twin Peaks), 1991, acrylique sur bois / acrylic paint on wood, 250 x 195 x 100 cm. Vue de l’exposition / View of the exhibition « No Man’s Time », Villa Arson, Nice, 1991. © Philippe Parreno, photo : DR.

Philippe Parreno, No More Reality (Twin Peaks), 1991, acrylique sur bois / acrylic paint on wood, 250 x 195 x 100 cm. Vue de l’exposition / View of the exhibition « No Man’s Time », Villa Arson, Nice, 1991. © Philippe Parreno, photo : DR.

On the “forest” side, the Welcome to Twin Peaks panel by Philippe Parreno made for the gardens of Villa Arson at the time of the exhibition “No Man’s Time” (No More Reality [Twin Peaks], 1991) provides confirmation of the imported fiction suggested by the architecture models in the room “with a view on LA”. Close by, his philosophizing stone (Cours de dessins : la pierre qui parle, 1994) speaks of the light typical of sitcoms – a typically 1990s type of TV show: “everything is shown, there are no shadows, you can no longer play with your shadow like Peter Pan”, emphasizing the impression of a world closed in on itself, reinforcing an impression received right from the start of the exhibition. Facing them is what might be called a “conviviality area”, in a reminder of the “relational form” theorized by Nicolas Bourriaud based on the work of many of the artists presented here: tables and seats in front of a mirror by Liam Gillick, near to shelves of books to be leafed through. But the spirit of that time has passed and its theories faded away: does presenting a space of this type in an exhibition in 2014 make it a real conviviality area or is it just a representation? A sort of re-enactment? Of course, there’s no chance we’ll see any compliance with the requirement for an institutional educational service, though these days this is pretty much an obligatory aspect of an institutional exhibition. On this subject, the curator dropped a memorable remark during a guided visit to the exhibition: as we passed Karen Kilimnik’s miniature Stonehenge and commented on the security ropes, Stéphanie Moisdon exclaimed: “before, there were never any visitors to exhibitions; now that contemporary art has taken on a social aspect and visits have become must-dos, we have to take security measures”.

“1984–1999” is an accumulation, an assemblage, a stacking: of objects of different types – a few works proper, some cinema films, various novels, bits of music, a number of banal objects… – of various sensibilities – those of the curator, the exhibition designer (herself an artist), those that emerge in the grouped pieces, and, of course, that of the visitor, which gets added to the pile – all in the same and most artificial of settings. Like every exhibition. However, not all exhibitions attempt to reinvest in such a recent past, nor to offer the dual experience of an exhibition as such (the classic experience of the onlooker) and of an exhibition that evokes somewhere remote, whether in time or space.
What Stéphanie Moisdon and Dominique Gonzalez-Foerster are giving us here is an account of an atmosphere, an account that perhaps contains less to see or read than to feel. Or, to quote one of the works presented: “1. We all have the same objective. 2. Visitors come in search of a dream […]” (Angela Bulloch, The Golden Fleece, 1994).

Philippe Parreno, Cours de dessins : la pierre qui parle, (détail), 1994. Résine, haut-parleur, ampli, lecteur mp3 / Resin, speaker, amplifier, mp3 player. CAPC Bordeaux. Vue de l’exposition / View of the exhibition « 1984-1999. La Décennie ».

Philippe Parreno, Cours de dessins : la pierre qui parle, (détail), 1994. Résine, haut-parleur, ampli, lecteur mp3 / Resin, speaker, amplifier, mp3 player. CAPC Bordeaux. Vue de l’exposition / View of the exhibition « 1984-1999. La Décennie ».

From a personal perspective, I can say that I discovered images and sounds that formed part of my adolescent landscape, and from an even earlier time, some of the first sounds and images of which I have a clear memory: the face of Kate Moss in black and white, of course, the music of Portishead and Nirvana, the minitel (my “first computer”), the Walkman (one of my best friends), and a few of the first artists I was fascinated by. Is this a dream? I don’t know.
During the 1980s and ’90s, an exhibition was theorized as a “format”, a “medium”, and was analysed using a new terminology every time a new hypothesis was dedicated to it. Perhaps never since Duchamp as exhibition designer has the “viewer”, pardon me, the “observer”, oops, I mean the “observer-cum-participant”, hell, the person who walks into a contemporary art space, been addressed so directly. (Reread Relational Aesthetics [5] or “Le spectateur et l’accident [6]” if you are still in doubt). “A place for the actualization of forms, the exhibition is not an end but a moment”, explains Stéphanie Moisdon. She adds, “Here, it’s hesitation that decides the course”. An argument she continues in her text when she writes, “the distinctive feature of those years was a sort of suspension that left unresolved the contrasts between major and minor issues, epochs and genres […]”. [7] Just as “1984–1999” leaves us uncertain about its subject, après-coup. However, it has the merit of making us ask the crucial question: is art intrinsically contextual?

  1. François Cusset, “Hors temps”, in Une histoire (critique) des années 1990, de la fin de tout au début de quelque chose, Paris: La Découverte / Centre Pompidou-Metz, p. 13.
  2. p. 21. And: “Perhaps never more than during that so very recent time were so many non-conformist galleries created to escape the conventions of the period, so many counter-worlds invented in the indifference to the world that existed, so many tangents sought to break away from the straight lines of the time”, p. 20.
  3. Éric Troncy, “La satiété du spectacle”, in Coollustre, Dijon: Les presses du réel, p. 7.
  4. Ibid.
  5. Nicolas Bourriaud, Relational Aesthetics, Dijon: Les presses du réel, 2002.
  6. Éric Troncy, “Le spectateur et l’accident”, in Art Press n°226, summer 1997, reprinted in Le docteur Olive dans la cuisine avec le revolver, Dijon: Les presses du réel, 2002, pp. 9-16.
  7. Stéphanie Moisdon, “Arts visuels : la première génération”, in Une histoire (critique) des années 1990…, op.cit. p. 120.

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