r e v i e w s

Katinka Bock à Delme

par Daphne Le Sergent

Katinka Bock, Kanon

C’est accompagné par le bruit omniprésent de l’écoulement de l’eau dans le système de tuyauteries, mis en place à la Synagogue de Delme par Katinka Bock, que se déroule la visite de son exposition. Prenant source dans le sous-sol du lieu où anciennement se trouvaient les bains, s’élançant tout le long de l’architecture, suivant l’atrium central, s’échappant le long de la cursive du premier étage, puis revenant dans le local d’accueil, l’œuvre, Ja, semble matérialiser le temps vécu du parcours, le porter dans une fluidité, évoquant ainsi les systèmes d’énergies de Joseph Beuys. Le travail de Katinka Bock prend ancrage dans la spécificité du lieu et se présente comme l’interface tangible entre l’espace d’exposition et le temps du spectateur, chaque œuvre devenant alors conjecture fragile d’un espace et d’un temps. Sechs Flächen und ein Raum se compose de six plaques de terre crue posées au sol et reprenant les dimensions d’un volume de l’architecture, celui de l’Aron, autel à présent dissimulé de la Synagogue. Cette pièce est vouée à la disparition puisque la terre crue, ayant séchée à l’air libre, est devenue trop fragile pour être transportée. Ainsi le caractère in situ de ce travail vient-il capter le temps du regard, le retenir au fil d’équilibres précaires que Katinka Bock réalise à l’aide de différentes formes et matériaux. L’eau, mais aussi le verre, le bois, la pierre, la terre, le papier, par leur connotation atemporelle ne font qu’accentuer un peu plus les dispositifs d’équilibre, de basculement, de chute, de suspens. Dans Je te tiens, deux plaques de verre reposent sur le dossier d’une chaise. Elles sont superposées l’une sur l’autre à l’aide d’aiguilles soigneusement tordues et régulièrement recueillent une à une les gouttes d’eau s’échappant du système de tuyauterie Ja. Strange Fruits sont d’étranges fruits dont les formes ont été obtenues par l’écrasement de blocs de terre creux, poussés depuis le premier étage de la Synagogue. Die Zone relève de l’équilibre d’un parallélépipède de bois sur un sac de riz, rendu possible par l’attraction de deux aimants, l’un partant du mur, l’autre rattaché au bois.

Au-delà d’une inscription de l’œuvre dans l’espace d’exposition, c’est toute une réflexion sur le paysage et sur l’image mentale qui nous y relie que l’artiste paraît mettre en place. L’exposition comprend des photographies d’œuvres passées mais aussi celle d’un paysage comme Urban Landscape, presque effacée, voilée, proche en cela de l’image mnémonique. L’image mentale ou bien encore le cliché photographique n’apparaît pas tant dans la capture, celle de l’appareil, ou encore dans la saisie du souvenir, que dans la mise en équilibre, celle du point de vue, d’une tension entre le regard et le champ qu’il balaye. L’image, semble nous rappeler Katinka Bock, est avant tout un arrêt, la mise en suspens d’un point de vue, soumis, comme toute autre chose, aux forces des lois de la nature et des matériaux.

Kanon, Katinka Bock, à la Synagogue de Delme, du 28 juin au 28 septembre 2008.

Landschaft mit hut

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