r e v i e w s

9e ArchiLab, Naturaliser l’architecture

par Alexandrine Dhainaut

Frac Centre, Orléans, du 14 septembre au 30 mars 2014.

Depuis 1999, ArchiLab, créé par Marie-Ange Brayer, directrice du Frac Centre et Frédéric Migayrou, critique d’art et d’architecture et directeur-adjoint du Centre Pompidou, explore les liens entre l’art et l’architecture expérimentale, en résonance avec la collection du Frac. Réunissant une quarantaine d’artistes, architectes, designers et une styliste, cette neuvième édition intitulée « Naturaliser l’architecture » resserre la réflexion autour de la capacité de l’architecture contemporaine à devenir nature artificielle grâce aux nouveaux outils numériques. Et dès les premiers pas dans la galerie des Turbulences, les pièces sont saisissantes. Géologies fantasmatiques, objets et textures du futur, matérialisations de paysages indescriptibles tout droit sortis de la tête d’un H.R. Giger, cette édition d’ArchiLab est proprement hallucinante.

Dans sa capacité à reproduire la complexité du vivant, l’outil numérique montre l’étendue de ses pouvoirs et la manière dont il va révolutionner l’architecture de demain. La frontière entre nature, art et architecture s’avère bien mince. Nombre des pièces d’ArchiLab exercent un pouvoir de fascination assez immédiat par leur mimétisme indécent et génial avec les formes de la nature. S’il est établi que la science, via ses logiciels high tech, est à l’origine des objets ultra complexes réunis ici, de leurs effets de matière, de la recréation de leurs mouvements, (c’est peu dire qu’on ne saisit pas tout des conditions de fabrication et des formules mathématiques qui les ont précédés, fractales et autres algorithmes, mais qu’importe), ces pièces ne se départissent jamais d’une grande sensualité, à l’image des Subdivided Columns ou de Grotto Prototype de l’architecte et programmeur allemand Michael Hansmeyer, impressionnantes colonnes accidentées qui s’élèvent par strates, non sans rappeler le travail sculptural d’Elmar Trenkwalder. L’imprimante 3D est une technologie omniprésente dans l’exposition.

Michael Hansmeyer, Benjamin Dillenburger, Grotto Prototype, 2012 © Michael Hansmeyer / Photographie François Lauginie. Collection Frac Centre, Orléans.

Michael Hansmeyer, Benjamin Dillenburger, Grotto Prototype, 2012 © Michael Hansmeyer / Photographie François Lauginie. Collection Frac Centre, Orléans.

ArchiLab montre la manière dont l’architecture contemporaine, l’art, la mode et le design se nourrissent des sciences de la nature et des avancées technologiques en matière de simulation du vivant. La mathématisation des propriétés biologiques et des phénomènes naturels, même les plus insaisissables, permet l’émergence de nouvelles formes plastiques, comme cette vague virtuelle de Federico Diaz qui trouve son prolongement en une sculpture abstraite. Appliquée à la mode, cela donne les robes baroques, quasi ovniesques, d’Iris Van Herpen ; appliquée au design, des objets du quotidien qui prennent des atours minéraux ou végétaux via des matériaux synthétiques. À mi-chemin entre sculpture et design, des créateurs comme Daniel Widrig — avec ses tabourets fibreux (Degenerate Chair) — ou Joris Laarman — et son siège monobloc (Bone chair) — se sont ainsi inspirés de la croissance des os ou la récursivité des végétaux pour faire fusionner l’ornement et la structure.

De tout temps l’architecture a imité la nature, mais au-delà de son mimétisme formel, elle tend à en imiter les comportements. L’architecte Achim Menges imagine une structure alvéolée, dont les pores de bois se dilatent et se rétractent en fonction du taux d’humidité. X_Tu Atchitects travaillent sur des matériaux de construction qui pourraient accueillir une biomasse génératrice d’énergie (Fresh City). Ces projets réactifs exploitant les événements extérieurs (qui ne sont pas uniquement des utopies architecturales puisque certains verront réellement le jour) sont le versant fascinant de l’architecture contemporaine que l’on découvre ici, une architecture qui tend vers toujours plus d’organicité. Servi par une scénographie dynamique mêlant sculptures, structures à investir, prototypes, maquettes, échantillons, ce véritable laboratoire des formes de demain qu’est ArchiLab prend évidemment tout son sens dans le nouveau bâtiment du Frac signé Jakob+MacFarlane : une greffe organique avec sa « peau de lumière » issue des technologies numériques.