Wallace Berman chez Frank Elbaz

par Etienne Bernard

We do need another hero !

par Etienne Bernard

Ca fait plaisir à voir dans une galerie du Marais ! Sans verser dans la nostalgie aride ni même dans le conservatisme mal placé, on ne peut que saluer la pertinence de la proposition en cours chez Frank Elbaz. À mi-chemin entre mise en perspective historique de son approche sélective et heureux retour aux fondamentaux, le galeriste de la rue Saint-Claude s’arrête sur le travail de Wallace Berman, figure tutélaire de la scène west coast des 1960’s presque inconnue à ce jour du public français malgré sa participation à la grand messe pompidolienne « Los Angeles 1955-1985 » en 2006.

Wallace Berman

Untitled (Al-Draped Figure) 1964-1976, collage of 16 negative Verifax copies on panel, 61 x 66 cm Courtesy Michael Kohn gallery, Los Angeles & galerie frank elbaz, Paris

Personnalité discrète, disparue le jour de ses cinquante ans dans un accident de voiture, Wallace Berman reste pour ses contemporains et héritiers un acteur charismatique de la Beat generation, gourou de la scène contre-culturelle californienne. Et ceux-ci ne sont pas des moindres… Andy Warhol, qui découvre son travail lors de son célèbre séjour dans la Cité des Anges en 1963, l’invite l’année suivante à collaborer à son film Tarzan and Jane Regained Sort of. La star new yorkaise Richard Prince, fascinée par le personnage et sa carrière, collectionne quant à elle les rares exemplaires de Semina, fanzine confidentiel édité et distribué par Berman à ses amis (parmi lesquels Allen Ginsberg, Dennis Hopper ou Henry Miller) de 1955 à 1963. La galerie angelina Michael Kohn met d’ailleurs en ce moment en regard leurs deux conceptions de la femme et de sa sensualité .
La sélection opérée par Sophie Dannenmüller, commissaire de l’exposition parisienne, se concentre sur ses séries de Verifax Collages. Ancêtre de la photocopieuse dérivé du principe photographique, le verifax constituera son outil artistique de prédilection de 1964 à sa mort en 1976. Dans une approche toute californienne d’appropriation culturelle dont on ne doute pas qu’il en fut un des précurseurs, l’adepte de la kabbale, découpe dans un magazine la publicité d’un transistor portable Sony tenu par une main, dont il évide le rectangle du haut parleur pour y insérer pêle-mêle d’autres images glanées de fleurs, de cosmonautes, de serpents, d’ecclésiastes ou d’architectures dans un ballet psychédélique et mystique. Berman en compose ensuite des tableaux de 4 à 46 collages dont la juxtaposition revendique la mécanique du processus créateur dans la logique des sérigraphies warholiennes ou au contraire, en déconstruit la systématique sérialité dans ses Shuffles, compositions aux accents chronophotographiques, dans lesquelles ces mains animent les images qu’elles portent comme on battrait les cartes.
À l’évidence, le travail de Wallace Berman constitue une clef de lecture de la complexité d’une scène west coast tant fantasmée de notre côté de l’Atlantique. Sans imposer une lecture critique unilatérale et péremptoire des générations suivantes, on distingue dans sa manipulation des icônes de masse une paternité des pratiques de héros contemporains comme Raymond Pettibon, Paul McCarthy ou Richard Jackson.

WALLACE BERMAN
Verifax Collages
Commissaire: Sophie Dannenmüller
Du 10 janvier au 10 mars 2009

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