Art Power

par Nicolas Ceccaldi-Audureau

La dernière publication en date et en anglais de l’historien de l’art et philosophe russe Boris Groys est un recueil de 18 textes (articles, conférences, textes issus de catalogues…) réédités par The MIT Press et produits à l’origine dans un spectre de dix années (1997-2007). Comme à l’accoutumée, le ton de Groys est volontiers provocateur faisant des parallèles insolants comme celui établissant un lien entre la fascination du corps spontané et héroïque par les médias aujourd’hui et la volonté d’universalité contenu dans un art inné intrinsèque à la race chez Hitler (« Hitler’s Art Theory ») ; ou celui postulant que « l’autonomie politique » de l’œuvre serait la condition de son pouvoir de résistance (« The Logic of Equal Aesthetic Rights »). Prenant délibérément le contre-pied d’une pensée libérale et partant de postulats aux accents dogmatiques que ses Zoïles qualifient parfois d’abusifs, parfois de rétrogrades, ses démonstrations soulèvent des questions fortes d’antagonisme dans l’articulation des points de vue – et, par fait, de la contestation – entre Est et Ouest. Plus, elles ouvrent une brèche, sous forme d’altérité, dans l’articulation de la critique occidentale humaniste, multiculturaliste et salvatrice. Pour le théoricien, rien à sauver, et toutes les pensées sont à renvoyer dos-à-dos. Cette joute constitue à la fois la qualité et la carence de l’écriture de Boris Groys dont les conclusions sont souvent elliptiques et dont nous aurions aimé l’apport d’une vision par-delà la logique. Mais, si Groys paraît nous refuser cette vision, c’est que, paradoxalement, et aussi martiale semble-elle, son écriture demeure jusqu’au-boutistement anti-dogmatique. Nicolas Audureau

Boris Groys, « Art Power », Cambridge : The MIT Press, 2008, 224 pages, 22,95 $


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