r e v i e w s

Time as Activity au Netwerk, Aalst

par Antoine Marchand

Some Things Last a Long Time

Il n’est pas question dans Time as Activity de narration, de témoignage ou de l’œuvre comme trace d’un moment, mais plutôt de présenter des travaux dont le temps est la problématique principale, qui décrivent et rendent manifeste le temps qui passe, le temps comme activité, convoquant ainsi Georges Pérec, dont la Tentative d’épuisement d’un lieu parisien est emblématique de ce type de démarche distanciée et purement descriptive. L’enjeu des pièces exposées n’est pas tant de témoigner d’une réalité extérieure que de participer à une création, de faire œuvre. Le titre de l’exposition est emprunté à une œuvre de David Lamelas. L’artiste

David Lamelas

David Lamelas

argentin aborde avec cette vidéo le temps dans une forme fragmentée, mais non condensée. Nous ne sommes pas dans le récit, simplement dans la présentation de trois séquences linéaires d’événements quotidiens, un hyperréalisme du banal, anti-spectaculaire au possible. Lamelas a poursuivi cette démarche – entamée à Düsseldorf dès 1969 – dans de nombreuses villes, de Varsovie à Berlin en passant par Los Angeles, interrogeant le statut de ces images a priori banales. Parmi les autres figures historiques présentes dans Time as Activity, John Baldessari propose une réflexion sur la déconstruction du récit et la manipulation du sens. Title se compose d’une séquence d’images tirées d’un film et ordonnées selon des catégories non-narratives, permettant ainsi au spectateur de créer sa propre interprétation, en fonction des références qui lui sont propres. L’exposition réunit par ailleurs de nombreux artistes canadiens, poursuivant une longue tradition du conceptualisme initiée de l’autre côté de l’Atlantique et incarnée notamment par Iain Baxter et son N.E. Thing Co. Ainsi de la démarche de Kelly Mark, qui « pointe » depuis 1997 son activité artistique au moyen de feuilles de présence, et ce jusqu’à ses 65 ans, âge légal de la retraite au Canada. Acquise par un collectionneur qui verse à l’artiste un salaire mensuel basé sur le nombre d’heures de travail effectuées, At Work joue sur l’absurdité de l’enregistrement du temps et la valeur que chacun veut bien lui accorder. L’épuisement du temps, c’est également ce qui caractérise Dear PM de Chris Lloyd, qui écrit tous les jours depuis le 1er janvier 2001 au Premier Ministre canadien. Par cette démarche sisyphéenne, il questionne le rôle de l’artiste dans nos sociétés contemporaines. Quant à Robert Racine, en suivant au pied de la lettre les instructions d’Erik Satie et en jouant 840 fois les Vexations – morceau à la fois le plus court (la mélodie dure moins d’une minute) et le plus long (la partition précise : « doit être joué 840 fois ») du compositeur français – il travaille lui aussi sur ce temps étendu, qui s’étire au maximum, dans une démarche stakhanoviste. En envisageant l’art conceptuel sous le paradigme, non pas de la documentation, comme traditionnellement, mais de la description, Time as Activity permet notamment de jeter un éclairage nouveau sur le travail de plusieurs figures tutélaires – Ian Wallace, Rodney Graham ou Bill Vazan – de ce mouvement.

Time as Activity au Netwerk, Aalst, du 12 septembre au 7 novembre 2009


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