r e v i e w s

Punk’s not dead

par Antoine Marchand

Rarement courant musical n’aura autant marqué son époque que le punk. En effet, depuis son acte de naissance officieux, un concert des Sex Pistols au Lesser Free Trade Hall de Manchester le 4 juin 1976, l’influence du punk sur la création contemporaine ne s’est jamais démentie. Tant dans la sphère musicale que dans celles des arts visuels, de la mode ou de la littérature, nombre de créateurs se revendiquent depuis de l’esprit rebelle et vindicatif de ce mouvement, dans cette volonté de faire table rase du passé, de s’affranchir des standards traditionnels. Europunk propose une lecture originale et décalée, en abordant le punk non par le prisme politique mais par celui de l’image. En effet, Eric de Chassey et Fabrice Stroun ont souhaité avec ce projet souligner la persistance et la pertinence de nombreux codes apparus à l’époque. Si la démarche peut surprendre au départ (Comment ne pas galvauder l’esprit du mouvement en l’inscrivant dans un display somme toute assez muséal ?), le résultat n’en est pas moins réjouissant, témoignant de la volonté naïve de ses différents protagonistes de changer le monde avec chacune de leurs images. Le parcours débute – forcément – avec les Sex Pistols, quintessence du punk. On retrouve ainsi les vêtements créés par Vivienne Westwood et Malcom McLaren – inspirés pour certains de ceux portés par les membres des Sex Pistols – mais surtout les fameux visuels réalisés par Jamie Reid, qui font aujourd’hui autorité. Et c’est le premier constat que l’on peut tirer de l’exposition. En effet, sont réunies ici des dizaines d’images qui nous sont familières mais dont l’origine demeurait parfois incertaine. De la reine d’Angleterre barrée par le fameux God Save The Queen aux collages de Linder Sterling pour les Buzzcocks, s’égrènent ainsi, à mesure que l’on arpente les différentes salles du B.P.S.22, des pochettes, couvertures et autres posters qui font aujourd’hui partie de notre patrimoine culturel commun.
Outre la partie consacrée aux Sex Pistols, une large place est également accordée au collectif Bazooka, actif en France entre 1974 et 1979. Le groupe d’élèves de l’École des Beaux-Arts de Paris réalisait des images qui s’apparentaient à celles de la bande dessinée, mais pour mieux en détourner les codes, avec la volonté affirmée d’infiltrer les médias, comme le rappelle leur participation au quotidien Libération, créé quelques années plus tôt. Intervenant juste avant l’impression, en ajoutant des éléments, raturant ou commentant les articles, leur démarche s’inscrivait en droite ligne des thèses défendues par les situationnistes. L’exposition parvient par ailleurs à retranscrire l’énergie primitive des premières années du mouvement et offre un panorama plus que complet de la diversité graphique et de l’ingéniosité de ses acteurs, insistant notamment sur le fameux DIY – « Do It Yourself » – qui résume à lui seul une grande part de l’idéologie punk. C’est cette détermination incroyable, aussi brutale que spontanée, couplée à une volonté de retour aux fondamentaux du rock ‘n’ roll, que l’on trouve par exemple dans les pochettes et affiches de The Clash, autre groupe mythique et incontournable. On découvre notamment de nombreux fanzines réalisés aux quatre coins de l’Europe, témoins d’une volonté de diffuser leurs convictions sans s’enfermer dans une imagerie spécifique, faisant fi des conventions de mise en page ou de ligne éditoriale, simplement portés par l’urgence de diffuser leurs idées au plus grand nombre. L’exposition aborde également les racines politiques complexes et ambivalentes du mouvement, construit sur des postures politiques contradictoires et des références parfois un peu ambiguës, à l’origine de nombreux malentendus sur les réelles motivations des punks. Enfin, Europunk permet de constater que cette contre-culture, née en réaction au conservatisme ambiant, a bien vite été récupérée par l’establishment, jusqu’à se vider de sa rage initiale, dont ne subsistent aujourd’hui que quelques artefacts symboliques, récupérés par les soi-disant gardiens du temple pour mieux les exploiter. Une dernière section témoigne de l’évolution musicale du mouvement avec l’arrivée, d’une part, de la New Wave et, de l’autre, de Joy Division et de ce qu’il est communément admis d’appeler le « post-punk », et qui mènera – par le biais de Peter Saville, de Factory Records et de la non moins mythique Hacienda, entre autres acteurs – à l’avènement de la Techno et de la House Music. Mais c’est une autre histoire…


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