Les amas d’Hercule
Parc Saint-Léger, Pougues-les-Eaux, du 10 novembre au 10 février 2013
En mettant en dialogue des œuvres qui entretiennent une relation plus ou moins directe à la nature et à ses lois, l’exposition « Les amas d’Hercule » au Parc Saint-Léger semble revenir sans bruit sur un des enjeux historiques de l’art. Le rapport de la culture à l’élément naturel est un thème éculé tant il a longtemps prévalu lors de la création et à la réception de toutes productions artistiques. Aussi, en cette fin révolue de début du XXIe siècle, reprendre cette question là où on l’avait laissée il n’y a finalement que peu de temps pourrait d’abord paraître un rien aventureux. Mais cela pourrait signifier également l’envie de reformuler une réponse, de redéfinir des positions. Il faut dire que les artistes, loin d’avoir évacué la question, s’accordent toujours à puiser tous azimuts dans leur environnement direct. Il faut dire également que la science elle-même est sortie de son objectivité pour « mettre en fiction » la nature. C’est là le point de départ de l’exposition.
La spéculation des astrophysiciens modélisant et colorant les images d’essaims d’étoiles (les fameux amas d’Hercule) pour faire coïncider la représentation de la réalité et le calcul scientifique de cette même réalité sert de pierre angulaire à une théorie de la perte des repères et de brouillage de pistes. Les œuvres rassemblées travaillent la matière du réel, ses forces et ses phénomènes mais elles substituent au dessein de l’accointance esthétique le souci plus ou moins consciencieux de l’interprétation.
En même temps qu’elle organise autour d’elle l’ensemble des œuvres, la sculpture Le ruissellement de l’eau de Pierre Malphettes semble déclamer le statement de l’exposition.
S’élevant jusqu’au plus haut point de l’espace central, la pièce monumentale, en mettant en jeu des cheminements d’eau qui s’écoulent jusqu’au sol, convoque un paysage de synthèse poétique et technique. On tourne autour des tubes, des bassins et des plaques comme l’exposition elle-même. Et on peut s’apercevoir assez vite que la question des lois de la nature est finalement assez secondaire, qu’elle est pour ces artistes un prétexte à l’expérience et à la dérive. Alors qu’une imposante Sea Painting de Jessica Warboys témoigne par la peinture des forces invisibles des mouvements de la mer, la vidéo Wind (1968) de Joan Jonas montre des corps balayés par le vent et qui réalisent une chorégraphie contrariée. Plus démesurée et faussement empirique, l’œuvre de l’artiste hongrois Attila Csorgo répond à la grandiloquence monumentale par la folle précision d’un mécanisme bricolé recomposant la structure géométrique des quatre éléments du cosmos (l’eau, la terre, l’air et le feu, selon la symbolique platonicienne des solides).
Conduites par le discours général, les œuvres semblent ici faire l’une après l’autre la démonstration de leur invention. Et si certaines d’entre elles paraissent parfois à l’étroit dans le costume qu’elles endossent, toutes révèlent malgré tout le désir de s’essayer avec bonheur à ce qui fait la mécanique du monde. Elles montrent alors la qualité joyeusement expérimentale d’un art émancipé qui en a définitivement fini avec la mimésis.
Avec Dove Allouche, Nina Canell, Chris Cornish, Attila Csorgo, Edith Dekyndt, Joan Jonas, Irene Kopelman, Ange Leccia, Pierre Malphettes et Jessica Warboys.
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- Du même auteur : Nathalie Talec au Mac/Val,
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