History Repeating
Contour — 5e Biennale de l’Image Mouvante
à Malines, du 27 août au 30 octobre 2011, curateur : Anthony Kiendl *
Pour sa cinquième édition, Contour,Biennale de l’image en mouvement sise dans la ville de Malines, a investi, entre autres lieux, une ancienne malterie, une imposante bâtisse du XVIIe siècle et la chapelle d’une école. Il est toujours agréable de découvrir des endroits habituellement fermés au public mais l’intérêt de cette édition, baptisée Sound and Vision: Beyond Reason, réside avant tout dans le choix des artistes réunis par Anthony Kiendl, appelés à s’interroger sur la place de la musique – au sens large du terme – dans notre société, et notamment sur ce que chacun peut y projeter en fonction de son background. Ainsi des oeuvres de Rodney Graham ou Brion Gysin et Ian Sommerville : qu’il s’agisse du Rotary Psycho-Opticon (2008) du premier ou de la Dreamachine (1960) des seconds, l’une comme l’autre nous plongent instantanément dans les expériences psychédéliques des années 1960. Néanmoins, alors que la Dreamachine est véritablement emblématique de cette période, l’oeuvre de Rodney Graham en offre une lecture pervertie, nourrie à la fois des rotoreliefs de Duchamp et des accessoires utilisés par Black Sabbath dans les années 1970.
De plus, afin de totalement renverser et démythifier ce que nous pourrions projeter sur une telle pièce, Graham en conditionne le fonctionnement au bon vouloir du médiateur, obligé de pédaler pour en actionner le mécanisme. Parmi les autres oeuvres présentées, citons le film 16 mm de Joachim Koester, Tarantism (2007), dans lequel défile à l’écran un groupe de danseurs, comme pris de convulsions, en référence à une étrange affection causée par une araignée qui se rencontre exclusivement en Italie 1, ou le Performance Pavilion for a Catholic City (2011) de Dan Graham, qui ne renouvelle pas le vocabulaire formel qu’on lui connaît habituellement, mais dont le titre est porteur de nombreuses promesses. S’il faut souligner la remarquable qualité de l’ensemble des propositions, force est de constater que deux installations sortent du lot. The Painter’s Enemy (2011), tout d’abord, d’Edyth Dekyndt. Ici, le visiteur est invité à déambuler dans l’ancienne salle des fêtes municipale, guidé à la fois par les dessins de l’artiste sur les murs et par les numéros au sol. Chacun d’entre eux correspond à une thèse, diffusée par un audioguide, sur le concept de musique comme son intrinsèquement lié aux formes biologiques, notamment les fleurs et, par extension, les hommes. Se succèdent ainsi une nouvelle de 1956 de J. G. Ballard, Prima Belladonna – qui décrit un avenir dans lequel les hommes peuvent entendre les mélodies émises par les plantes – ou les théories de scientifiques – comme celle de Joël Sternheimer qui a découvert que certaines mélodies peuvent stimuler ou freiner la synthèse d’une protéine dans un organisme vivant. Une oeuvre aussi captivante que poétique, très minimaliste dans sa forme mais extrêmement généreuse dans les variations
qu’elle apporte. Quant à Band (2009), installation vidéo du jeune artiste américain Adam Pendleton, il s’agit d’une relecture du Sympathy for the Devil (1968) – sorti en Europe sous le titre One + One – de Jean-Luc Godard, documentaire expérimental incontournable qui juxtapose des images de l’enregistrement de la célèbre chanson des Stones à des scènes d’anarchie et de révolution. Ici, Adam Pendleton a remplacé Mick Jagger et consorts par le groupe de rock indépendant américain Deerhoof qu’il associe à des images d’époque des Black Panthers. Par le biais d’une spectaculaire triple projection, il mêle la structure et les techniques du film d’avant garde à une réflexion sur la pratique expérimentale contemporaine, le langage et le travail sur l’Histoire. Cette installation, dans sa capacité
à mêler références sociales, culturelles et contre-culturelles et à considérer la sphère musicale comme un marqueur important des bouleversements de nos sociétés, constitue à n’en pas douter l’élément central de cette Biennale. À la frontière entre relecture, appropriation et détournement, elle est également un condensé parfait du statement du curateur.
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1. Voir à ce sujet le texte de Philippe-Alain Michaud, « La morsure de l’araignée », in Transes, Paris,Monografik éditions, 2008, p. 55-68.
* Avec Cory Arcangel, Pierre Bismuth, Chicks on Speed, Edith Dekyndt, Gabriela Fridriksdottir & Lazyblood, Noam Gonick & Luis Jacob, Dan Graham,
Rodney Graham, Brion Gysin & Ian Sommerville, Joachim Koester, Adam Pendleton, Postcommodity, Lee Ranaldo & Leah Singer, Dennis Tyfus, Anne-Mie Van Kerckhoven, Jennifer West.
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- Du même auteur : Oriol Vilanova, At First Sight, Il Palazzo Enciclopedico, 55e Biennale de Venise, Christopher Wool, Goldfinger, In search of everything,
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