Cyprien Gaillard à Oiron
La voie lactée
Le jeune artiste parisien nous avait habitué à des exercices flamboyants où les embrasements/effondrements d’unités d’habitation étaient spectaculairement mis en scène en des triptyques dignes d’un Abel Gance… à Oiron, rien de tel, ni fumigènes, ni artificiers, seulement l’escamotage d’une tour d’Issy-les-Moulineaux (comme le précise heureusement le très visible cartel) en son devenir carpette quasi invisible. Car le risque est grand de passer à coté de la pièce même s’il s’avère difficile de la rater : Cyprien Gaillard a recueilli les quelques dizaines de tonnes de gravats blanchâtre résultant de la démolition d’une tour de la banlieue parisienne pour les déposer au sol et reconstruire littéralement le piètement de cette voie majestueuse qui mène jusqu’à l’entrée du Château d’Oiron. Ce qu’il prétend faire appartenir au monde de la sculpture nous rappelle les chemins de graviers blanc des allées de cimetière : à ce propos, nous ne sommes pas si éloignés de la pensée de l’artiste qui voit dans la destruction programmée de ces tours HLM rien de moins que celle du modernisme via la disparition de tout un pan de l’architecture du XXe siècle. Pour Gaillard, s’attaquer à ces tours, c’est vouloir effacer d’un coup de baguette les traces d’un passé proche, sous couvert de bonnes intentions urbanistiques et de droit d’inventaire. Aussi, la posture de l’artiste, qui surjoue le devenir tombeau de ces constructions en lui redonnant par le même mouvement une nouvelle vie fait mouche. Cette pièce a également à voir avec un land art revisité qui se préoccuperait de mutations urbaines autant que de considérations esthétiques, de mémoire et de « traçabilité des matériaux » autant que de monumentalité.
Cyprien Gaillard, exposition Arcadia, 28 juin – 28 septembre 2008 .
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- Du même auteur : 9ᵉ Biennale d'Anglet, Biennale de Lyon, Interview de Camille De Bayser, The Infinite Woman à la fondation Carmignac, Anozero' 24, Biennale de Coimbra,
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