Jim Shaw au CAPC

par Paul Bernard

Jim Shaw, Left Behind

Depuis deux ans le CAPC explore les histoires secrètes de la culture. Après l’exposition If everybody had an ocean qui relisait l’histoire de l’art récente au travers de la musique et de la vie de Brian Wilson, après Insiders qui interrogeait les relations entre l’art contemporain et le folklore, la grande nef du musée de Bordeaux est cette fois-ci offerte à Jim Shaw. Souvent associé à Mike Kelley et Paul McCarthy, l’artiste californien développe depuis les années 70 un travail sur les soubassements de la culture américaine.

Jim Shaw, vue de l'exposition au capc, Photo F. Derval

Jim Shaw, vue de l'exposition au capc, Photo F. Derval

Le titre de son exposition bordelaise, Left Behind, est ainsi emprunté à celui d’une série de romans chrétiens ultra conservateurs (Les survivants de l’Apocalypse en français), distribué à plus de 65 millions d’exemplaires aux Etats-Unis. Left Behind, ce sont également les laissés pour compte de l’ère Bush. Une classe ouvrière déliquescente qui a fini par se tourner vers les croyances millénaristes. Ces manifestations paranoïaques du fait religieux sont au centre de la pratique de Shaw. L’artiste s’est d’ailleurs lancé, depuis le début des années 2000, dans la création d’une nouvelle religion, l’O-isme, amalgame de mythes américains et d’obscurantismes. L’exposition est structurée par quinze peintures monumentales réalisées sur de vieux décors de théâtre. L’arrière plan laisse entrevoir, tant dans sa facture que dans ses motifs, une certaine « américanité »: celle propre au décor, avec ses vues du désert, ses représentations urbaines grandiloquentes, ses supermarché et ses stades de football. Sur cette trame, Shaw intervient en convoquant symboles, anecdotes et imagerie pop. Sur le mode du tragicomique, le spectateur s’immerge dans les thèmes de l’apocalypse, l’iconographie de l’ultra libéralisme, les théories de la conspiration et autres mythes sous-terrains. La profusion d’images conduit à un mélange chaotique et monstrueux dont la digestion finit par provoquer des relents nauséabonds. Autour de la nef, Shaw dévoile une partie de sa collection de magazines, calendriers, disques et autres supports culturels de l’évangélisme américain. La maniera surréaliste avec laquelle sont traités les épisodes de l’Évangile les font basculer dans un imaginaire halluciné. On sait que Shaw s’inspire de ses rêves pour ses compositions et ses sculptures, c’est ce qui leur donne leur dimension narrative et anarchique. Visiter son exposition, c’est avoir accès, à travers lui, à la névrose immanente de la psyché américaine. Comme il le dit lui même: « La bible nous hante, qu’on y prête attention ou non »

I got a catholic block
Inside my head
I let it go to work
Bring it all back home

Sonic Youth, Catholic Block

commissaire : Charlotte Laubard

7 mai – 19 septembre

CAPC musée d’art contemporain

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