Anita Molinero

par Elisabeth Wetterwald

Extrudia

Musée d’Art Moderne de Paris

25.03.2022 – 24.07.2022

Je m’balance, j’m’en balance

Sur le seuil de l’exposition, L’irremplaçable expérience de l’explosion de Smoby donne le ton et annonce lescouleurs. En même temps, l’œuvre se tient à part. Peut-être parce que son potentiel symbolique ou narratif (l’enfance intoxiquée, saccagée, violentée ?) n’est pas ce qui intéresse Anita Molinero, plutôt attirée ici par l’objet originel industriel, propre et froid, sans texture ni aspérité – et donc, pour elle, préposé à tous les vandalismes. On reconnaît les éléments d’une aire de jeux pour enfants (cabane, toboggan, muret d’escalade) mais l’aspect autrefois lisse et impeccable de ces modules en plastique aux couleurs criardes s’est mué (ou a muté ?) en un ensemble disloqué, déformé par des excroissances incongrues, trouées, boursouflures, coulures et autres joyeux effondrements. Si les enfants ne peuvent plus pratiquer, du moins peut-on parier qu’ils trouveront là matière à s’interroger et à se marrer.

Depuis le début de sa carrière, dans les années 1980, Anita Molinero s’intéresse aux objets et plus particulièrement aux matériaux qui n’ont, justement, pas la réputation de présenter un quelconque intérêt esthétique. Qu’il s’agisse d’abord des bouts de carton, de tissu, de mousse et de plastiques divers qu’elle agence de manière rudimentaire, sans outils et sans liens, pour en faire des petites sculptures précaires, ou qu’il s’agisse, plus tard, des spectaculaires plaques de polystyrène, plots et poubelles publiques déformés par le feu, la matière première de son travail est souvent triviale ou vulgaire. Elle vient de la rue, de l’univers des chantiers – et/ou des déchets, ce qui reste après usage, après consommation.