Jean-Christophe Norman

par Patrice Joly

The South Face

Il est possible que vous l’ayez croisé à Istanbul, à Tokyo, au Havre ou encore plus récemment à Belleville accroupi pour tracer à la craie sur le sol des mots qui forment une ligne blanche, un mince filet qui serpente à la surface des trottoirs, slalomant entre les obstacles mais poursuivant imperturbablement sa route. Les projets les plus marquants de Jean-Christophe Norman se déploient en des villes remarquables, déjà riches d’innombrables histoires, que l’artiste s’emploie cependant à recouvrir de nouvelles nappes de récits. Au cours de ces actions, des textes illustres sont écrits à même le sol lors de sessions de plusieurs jours, de nouvelles cartographies sont redessinées qui empruntent à d’autres univers, afin de brouiller les pistes et d’ouvrir de nouvelles voies d’exploration, différentes de ces autoroutes touristiques qui font désormais office d’accès privilégiés aux métropoles. Les voyages de Jean-Christophe Norman sont des réécritures, tant littérales que métaphoriques, des récits voyageurs plus que de voyage, qui déplacent les constituants de la fiction et donnent à la littérature des prolongements inattendus.

Jean-Christophe Norman, Ulysses, a long way, 2014. Performance, Biennale de Belleville 3, Paris, septembre-octobre 2014.

Jean-Christophe Norman, Ulysses, a long way, 2014. Performance, Biennale de Belleville 3, Paris, septembre-octobre 2014.

Réécrire

Dans ses Crossing…, le texte que l’artiste trace à la craie à même l’asphalte pendant plusieurs jours selon des itinéraires plus ou moins prémédités est l’Ulysse de Joyce, texte dont il déplace le décor originel, le Dublin de la fin du xixe, sous de nouveaux cieux, Tokyo, Marseille, Paris, imposant des exils inattendus à ce récit fondateur de la littérature du xxe siècle. La réécriture de textes célèbres n’est pas une nouveauté en soi, mais elle est plutôt l’apanage d’écrivains, qui comme Borges, dans son Pierre Ménard, fait réécrire le Quichotte à l’auteur qu’il crée pour les besoins de la fiction. Réécrire est une pratique contre nature pour un écrivain, elle renvoie à la figure du faussaire, ce copieur qui s’empare de l’invention d’un autre à des fins mercantiles. Mais elle peut signifier de manière plus bénigne le manque d’inspiration du plagiaire. La réécriture renvoie également à la crise de l’auteur et à l’illusion d’une unité créatrice, deux thématiques que l’œuvre précurseur de Borges met magistralement en relief, bien avant les textes de Barthes. Par ailleurs, la réécriture peut s’entendre aussi bien comme un sacrilège que comme un acte de déférence doublé d’humilité — on songe bien entendu à l’abnégation des moines copistes qui nous ont permis d’accéder à la pensée des philosophes antiques — une abnégation qui confine dans cette hypothèse à l’héroïsme. Pour Ménard, il ne peut être question que de réécrire le texte de Cervantes à l’exclusion de tout autre, dans un geste de dévotion absolue : la question de la copie ne fait plus débat, on parle d’adhésion totale, au-delà de tout aspect moral. Mais Norman ne réécrit pas dans le sillage d’un Pierre Ménard, bien qu’il se réclame de la nouvelle de Borges ; nous ne nous situons pas tout à fait non plus dans la lignée des appropriationnistes, peut-être parce que l’appropriation d’une œuvre littéraire ne se pose pas dans les mêmes termes que celle de l’image, ne suivant pas le même régime, bien que ne manquant pas de poser de ce fait le problème de sa prédominance. Le caractère différé de l’appréhension du texte littéraire, surtout dans le cas d’œuvres aussi lourdes que celles auxquelles s’attaque Norman — la Recherche de Proust, Ulysse de Joyce, Fleuve sans rives de Jahnn, œuvres dont la lecture exhaustive nécessite un temps excessivement étiré — s’oppose en tous points à la réception instantanée de l’image. La pratique de Jean-Christophe Norman se situe bien évidemment dans ces rivages conceptuels, mais il se contente de les effleurer : Norman est plutôt un traducteur, un transcripteur, il fait accéder le(s) texte(s) à une autre dimension que celui du verbe, il en fait de l’image, il le(s) rend visible(s), quitte à ce que la signification s’estompe, que le langage disparaisse. Les principales manifestations de cette transformation suivent deux régimes bien différents : le tableau est la première de ces manifestations, la plus spectaculaire. Au Frac Franche-Comté, pour sa première grande exposition personnelle dans une institution française, sont présentés deux exemplaires « peints » par la main de l’artiste : l’un qui part du Fleuve sans rives de Hans Henny Jahnn, l’autre de la Recherche de Proust. Ces deux grandes compositions sont parfaitement picturales dans leur monumentalité et leur frontalité et on peut y voir de nombreuses références à des peintres de la répétition, de la sérialité, d’On Kawara à Roman Opalka : une même obsession pour le temps qui s’écoule et que l’on cherche à représenter, à domestiquer. Dès que l’on s’éloigne de la toile et que s’amenuise la possibilité de la lecture, on aborde des registres plus abstraits, quasi expressionnistes qui font penser au Cy Twombly des années soixante peignant des lignes d’arabesques blanches sur un tableau noir d’écolier. Le texte est rendu à sa dimension de signe calligraphique, de pur tracé ressuscitant la dimension dessinée de l’écriture : ces grands tableaux font apparaître la possibilité d’embrasser en un seul regard l’ensemble d’un texte, à la manière d’une image, une immédiateté qui va l’encontre de la lenteur première de la lecture… Dans un autre registre évoqué plus haut, dans ses Crossing…, Norman procède à une réécriture continuelle du texte de Joyce, par morceaux, au cours de longues pérégrinations qui l’amènent à traverser des quartiers entiers de villes très éloignées les unes des autres, de sorte que le texte finit par tisser une toile imaginaire autour du monde. Ici, bien sûr, il n’est plus question pour le texte de faire image bien qu’il fasse l’objet de transformations profondes. À la différence des œuvres précédentes, le texte est ici démembré, il n’est plus qu’une ligne éphémère fragile et indéfiniment déroulée livrée aux aléas climatiques et à la circulation des passants. Mais surtout la volonté n’est plus du tout la même, l’écriture à même le sol suscite les nombreuses réactions des passants, le texte se mêle à leur quotidien, se réincarne. D’une volonté de réification picturale, on passe à une sorte de sublimation, au sens physico-chimique de passage d’un état solide à un état gazeux : la pluie transformera surement le texte en un composé vaporeux qui le mélangera à l’atmosphère, les semelles des marcheurs distraits le disperseront à travers les rues de la ville. Passage du verbe à son éphémère incarnation, arpentage d’un quartier par l’écriture d’une autre ville, palimpseste : l’artiste superpose les récits en déambulant d’une ville à l’autre, donne vie subrepticement à un imaginaire en exil en l’imprimant à même le sol.

Jean-Christophe Norman, Ulysses, a long way, 2014. Performance, Biennale de Belleville 3, Paris, septembre-octobre 2014.

Jean-Christophe Norman, Ulysses, a long way, 2014. Performance, Biennale de Belleville 3, Paris, septembre-octobre 2014.

Recartographier

Le travail de Jean-Christophe Norman est orphelin de son passé d’alpiniste : comme il en témoigne dans un entretien1, la soudaine impossibilité d’assouvir sa passion de la montagne l’a poussé à prendre une résolution tout aussi abrupte, celle de devenir artiste, en brûlant les étapes d’un apprentissage classique. Ce dramatique accident de parcours lui a soudainement ouvert un horizon de possibilités qui lui était totalement étranger auparavant, celui d’une voie artistique, une South Face2 en quelque sorte pour faire référence au vocabulaire de la grimpe. Bien sûr, dans de telles conditions de réinvention de sa propre existence, on imagine que l’art peut avoir une dimension substitutive. Le travail de Norman est une suite de cheminements et d’ouverture de voies —pour le coup horizontales— qui font écho à ses anciennes amours, mais ses premiers pas en matière artistique l’ont plutôt porté en direction d’une tentative de captation du temps qui passe. Si le parallèle entre l’alpinisme et l’artistique est un terrain bien balisé, l’orientation qu’a pris son travail est foncièrement singulière : associant étroitement la marche et l’écriture dans des actions à faible dimension participative, elle évite l’aspect spectaculaire de la performance et est cependant capable d’une production picturale impressionnante. Norman a peut-être été sauvé d’une certaine forme d’autosatisfaction qui s’actualise dans la recherche de l’exploit et / ou du dépassement de soi, quand bien même on mesure ce qu’une telle assertion peut avoir de choquant. Le nouveau rapport au monde qui transparaît dans son travail est une tentative de relier deux dimensions du temps, une dimension excessivement incarnée, vitale, cyclique, répétitive, et une autre, bien plus médiate, qui rejoint les visées de la littérature —une espèce de hors-temps—, qui excède les vicissitudes du présent et les joies immédiates de la plénitude physique. Lorsqu’il cite la phrase de Borges sur Joyce : « le temps d’un de nos jours est tout le temps du monde3 », ses préoccupations deviennent des préoccupations d’écrivain. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il cherche à se réfugier dans les hautes altitudes spirituelles que lui confère la sauvegarde de ce temps retrouvé. Tout son œuvre est dédié à une certaine forme d’incarnation des idées, du verbe. Cover (L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique), pièce qui s’appuie sur le texte éponyme de Benjamin est, d’une certaine manière, un pied de nez à la pure spiritualité, au concept. Recouverte de graphite jusqu’à ce qu’elle devienne parfaitement opaque, la célèbre théorie de la perte de l’aura semble s’être dissoute dans la démonstration plastique de son contraire : l’édition de poche, une fois manipulée par l’artiste, réacquiert en quelque sorte la possibilité de l’aura…

Jean-Christophe Norman, Cover (L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique - Walter Benjamin), 2010. © Jean-Christophe Norman.

Jean-Christophe Norman, Cover (L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique – Walter Benjamin), 2010.
© Jean-Christophe Norman.

 

Certains de ses travaux « cartographiques » consistent en la superposition — au cours de longues marches — de contours importés d’autres univers, en l’occurrence celui des cinq régions formant le Grand Est de la France plaqué sur la mégalopole d’Istanbul dans Les circonstances du hasard, et participent d’une tentative de réécriture du monde dans sa globalité : la représentation classique de ce dernier via la carte fait ressortir les contours géographiques des pays, des régions, des continents, enclot les populations et, d’une certaine manière, accrédite l’idée du caractère immuable de ces contours. Les marches auxquelles se livre Norman sont des réinterprétations de ces frontières héritées de l’histoire et de ses bouleversements : les cartes sont des instantanées, des bilans à l’instant T du développement des sociétés, elles sont autant de fictions, d’outils de propagande et de fixation des pouvoirs en place… Dans le travail de Norman n’entrent pas seulement des considérations géopolitiques, il s’agit avant tout, pour l’artiste de « retracer » poétiquement de nouvelles délimitations et de se constituer des itinéraires / prétextes capables d’engendrer de la rencontre, de l’inconnu, d’inventer des territoires encore vierges de toute appropriation historique. Mondo diffuso participe également de cette redéfinition de la carte en son versant fictionnel : le brouillage d’une mappemonde par de multiples effacements et retouches restitue l’inachèvement premier de la géographie que la carte a tendance à faire oublier. Cette œuvre qui emprunte aux techniques picturales redonne paradoxalement plus de réel à la cartographie. Dans le projet des Cartes postales du Mont Fuji se trame un autre projet de cartographie discrète : associant à nouveau l’écriture (prosaïque cette fois-ci, des correspondances au dos des cartes), le brouillage des pistes et l’aléatoire de la déambulation (chacune des cartes récupérées dans un vieux stock au Japon est envoyée soit à Marseille, soit à Besançon, en fonction de la localisation de l’artiste au cours d’une marche qui relie les centres d’art des deux villes), cette œuvre condense la dimension poétique du travail de Jean-Christophe Norman, tissant de nombreux liens imaginaires au-delà des océans et des époques et convoquant une multiplicité de récits anonymes.

 

1 La conversation n°1, Sophie Lapalu et Jean-Christophe Norman, Frac Franche-Comté, 2014, p. 6.

2 The South Face est une œuvre d’Hamish Fulton, à la fois marche et peinture, elle fait référence à la marque de vêtements de randonnée et d’alpinisme bien connue, The North Face, dont elle détourne malicieusement le nom pour signifier le devenir mainstream de la marque, n’ayant plus rien à voir avec ses origines ; The South Face peut aussi s’entendre comme une voie parallèle à l’esprit de l’alpinisme toujours à la recherche de l’exploit et du sensationnel que symbolise la face nord, généralement la plus dangereuse (Cf. Hamish Fulton – Walking transformation catalogue publié à l’occasion de l’exposition du même nom à la Villa Merkel, Galerien der Stadt Esslingen am Neckar, du 9 mars au 8 juin 2014, éditions SNOECK).

3 La conversation, op. cit., p. 8.

Jean-Christophe Norman, Ulysses, a long way, 2014. Biennale de Belleville 3, Paris.

Jean-Christophe Norman, Ulysses, a long way, 2014. Biennale de Belleville 3, Paris.

Jean-Christophe Norman The South Face

You might have crossed paths with him in Istanbul, Tokyo, Le Havre or, more recently, crouching down in Belleville with a piece of chalk to write words on the ground which form a white line, a thin trickle which snakes across the surface of sidewalks, slaloming between obstacles but imperturbably following its path. Jean-Christophe Norman’s most striking projects are developed in remarkable cities, already full of countless stories, which the artist nevertheless tries to cover with new layers of narratives. During these actions, illustrious words are written directly on the ground during sessions lasting several days, new maps are re-drawn which borrow from other worlds, in order to confuse the issue and open up new avenues of exploration, different from those tourist freeways which now serve as special access routes to metropolises. Jean-Christophe Norman’s journeys are re-writings, as literal as they are metaphorical, traveller’s logs rather than travel logs, which displace the components of fiction and offer literature unexpected extensions.

Re-writing

In his Crossing… works, the text that the artist draws with chalk on asphalt during several days, based on more or less premeditated itineraries, is Joyce’s Ulysses, in which he shifts the original setting—Dublin in the late 19th century—to new skies, Tokyo, Marseille and Paris, imposing unexpected exiles on this pioneering narrative of 20th century literature. The re-writing of famous texts is nothing new per se, but the practice tends to be monopolized by writers, one such being Borges who, in his short story Pierre Ménard, Author of the Quixote, had Don Quixote re-written by the author whom he created for the  requirements of fiction. Re-writing is a practice that is contrary to nature for a writer, it relates to the figure of the forger, that copier who appropriates the invention of someone else, to commercial ends. But in a more benign way it may also indicate the plagiarist’s lack of imagination. Re-writing also relates to the crisis of the author and the illusion of a creative unity, two themes which Borges’s ground-breaking œuvre masterfully highlights, well before the writings of Barthes. Re-writing may furthermore be understood as much as a sacrilege as an act of deference compounded by humility—one thinks of course of the selflessness of those monastic copyists and transcribers who have enabled us to have access to the thoughts of the philosophers of Antiquity. And in this hypothesis, such selflessness verges on heroism. For Ménard, he can re-write just Cervantes’s opus to the exclusion of everything else in a gesture of absolute devotion: the issue of the copy is no longer under debate, we are talking in terms of total adherence, beyond any moral aspect. But Norman is not re-writing in the wake of someone like Pierre Ménard, even though he invokes Borges’s short story; nor are we altogether in the tradition of the appropriationists, possibly because the appropriation of a literary work is not posited in the same terms as that of an image, because it does not fall under the same system, even if it thereby certainly raises the issue of its predominance. The deferred character of the understanding of the literary text, especially in the case of books as weighty as those which Norman grapples with—Proust’s À la Recherche…, Joyce’s Ulysses, and Jahnn’s River without Banks, all works whose exhaustive reading calls for excessively long periods of time—contrasts in every way with the instant reception of the image. Jean-Christophe Norman’s praxis is very clearly situated on these conceptual shores, but he contents himself with just skimming them. Norman is more of a translator and a transcriber, offering texts a dimension other than that of the word: he makes imagery with them, and he renders them visible, even if this means that meaning becomes blurred, and language disappears. The main examples of this transformation follow two quite different systems: the picture is the first and most spectacular of these examples. At the FRAC Franche-Comté, for his first major solo show in a French institution, two examples hand-“painted” by the artist are on view: one based on Hans Henry Jahnn’s River without Banks, the other on Proust’s À la Recherche. These two great compositions are thoroughly pictorial in their monumental and frontal styles alike, and in them it is possible to see numerous references to painters practicing repetition and seriality, from On Kawara to Roman Opalka: one and the same obsession with time passing, with attempts to represent and domesticate it. As soon as you move away from the canvas and as soon as the possibility of reading diminishes, we broach more abstract, almost expressionist chords which call the Cy Twombly of the 1960s to mind, painting lines of white arabesques on a blackboard. The text is returned to its dimension as calligraphic sign, pure layout bringing back the drawn dimension of writing: these large pictures bring out the possibility of encompassing at a single glance the entirety of a text, in the manner of an image, an immediacy which runs counter to the initial slowness of the reading… In another dimension mentioned earlier, in his Crossing… pieces, Norman proceeds with a continual re-writing of Joyce’s book, in chunks, during lengthy wanderings during which he makes his way through whole neighbourhoods in cities which are a very long way from one another, in such a way that the text ends up by weaving an imaginary web around the world. Here, needless to say, it is no longer a matter of the text creating imagery, even though it may be the object of far-reaching transformations. Unlike previous works, the text here is broken up, it is no more than a fragile fleeting line, indefinitely unwound, handed over to climatic vagaries and passers-by passing by. Above all, however, the purpose is no longer the same at all, the writing on the ground provokes many different reactions from passers-by, and the text becomes mixed up with their daily round, and is reincarnated. From a desire for pictorial reification we shift to a sort of sublimation, in the physical and chemical sense of a passage from a solid state to a gaseous state: rain will surely turn the text into a vaporous compound which will mix it with the atmosphere, and the soles of absentminded walkers’ shoes will scatter it through the city streets. A move from the word to its ephemeral incarnation, criss-crossing a neighbourhood using the writing of another city, palimpsest: the artist overlays the narratives by strolling from one city to another, surreptitiously giving life to an imagination in exile by imprinting it directly on the ground.

 

Jean-Christophe Norman, Fleuve sans rives (Hans Henny Jahnn), 2013-2014. Vue de l’exposition / View of the exhibition « Biographie », Frac Franche-Comté © Jean-Christophe Norman. Photo : Blaise Adilon.

Jean-Christophe Norman, Fleuve sans rives (Hans Henny Jahnn), 2013-2014.
Vue de l’exposition / View of the exhibition « Biographie », Frac Franche-Comté © Jean-Christophe Norman. Photo : Blaise Adilon.

Re-mapping

Jean-Christophe Norman’s work is an orphan of his past as a mountaineer: as he explains in an interview,1 the sudden impossibility of quenching his passion for mountains pushed him to make a no less abrupt resolution: he would become an artist, cutting the corners of classic apprenticeship. This dramatic switch of careers suddenly opened up a horizon of possibilities for him which had previously been totally alien, the prospect of an artistic path, a South Face 2 in a way, to make reference to the vocabulary of climbing. Needless to say, in such conditions reinventing his very existence, we can imagine that art may have a substitutive dimension. Norman’s work is a sequence of trails and paths opening up—horizontal paths, it just so happens—which echo his old loves, but his first steps, artwise, tended to take him in the direction of an attempt to capture time passing. If the parallel between mountaineering and things artistic is well-trodden terrain, the direction that his work has taken is essentially unusual: closely associating walking and writing in actions with a low participatory dimension, the direction taken sidesteps the spectacular aspect of performance and is nevertheless capable of an impressive pictorial production. Norman has perhaps been saved by a certain form of self-satisfaction which takes form in his quest for the exploit and/or going beyond himself, even when we gauge what such an assertion might have in terms of shocking effects. The new relation to the world which shows through in his work is an attempt to link two dimensions of time, one excessively incarnate, vital, cyclical and repetitive dimension, and another much more mediate dimension, which connects the aims of literature—a sort of outside-time—and exceeds the vicissitudes of the present and the immediate joys of physical fullness. When he mentions Borges’s words about Joyce: “…the time of one of our days is all the time of the world”,3 his concerns become a writer’s concerns. This does not mean, however, that he is trying to take refuge in the lofty spiritual heights conferred upon him by safeguarding that time re-found. His whole œuvre is dedicated to a certain form of incarnation of ideas, and words. Cover (L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique), a piece based on Walter Benjamin’s essay of the same title is, in a way, cocking a snook at pure spirituality, and concept. Covered with graphite until it becomes thoroughly opaque, the famous theory of the loss of aura seems to have become dissolved in the plastic demonstration of its opposite: the paperback, once handled by the artist, in a way re-acquires the possibility of aura…

Some of Norman’s “cartographic” works consist in the superposition—during long walks—of outlines brought in from other worlds, here, as it happens, those of the five regions forming France’s “Greater East” laid over the megalopolis of Istanbul in Les Circonstances du hasard, and are part of an attempt to re-write the world in its totality: the classic representation of this latter by way of the map brings out the geographical outlines of countries, regions and continents, encloses populations and, in a way, underwrites the idea of the unchangeable character of these outlines. The walks which Norman goes on are re-interpretations of the borders bequeathed by history and its upheavals; the maps are snapshots, split-second reports of the development of societies, they are so many fictions, propaganda tools, and tools for settling the established powers… It is not just geopolitical considerations which find their way into Norman’s work; what is involved, above all, for the artist is that he can poetically “re-trace” new boundaries and create itineraries/pretexts capable of giving rise to encounters and the unknown, and inventing territories still untouched by any historical appropriation. Mondo diffuso is also part and parcel of this redefinition of the map in its fictional aspect: the blurring of a map of the world by many kinds of erasures and retouches reinstates the initial unfinishedness of geography, which the map tends to make us forget about. This work which borrows from pictorial techniques paradoxically gives more reality back to cartography. In Cartes postales du Mont Fuji, another discreet cartographic project is woven: once again associating writing (prosaic, this time, involving notes written on the back of postcards), blurring tracks, and the randomness of strolling (each one of the postcards retrieved from an old stock in Japan is sent either to Marseille or to Besançon, depending on where the artist is during a walk which connects the art centres of both cities), this work condenses the poetic dimension of Jean-Christophe Norman’s œuvre, weaving many imaginary links beyond oceans and eras, and summoning a whole host of anonymous narratives.

 

Jean-Christophe Norman, Les Circonstances du hasard, 2011, Istanbul.

Jean-Christophe Norman, Les Circonstances du hasard, 2011, Istanbul.

1 La conversation n°1, Sophie Lapalu and Jean-Christophe Norman, FRAC Franche-Comté, 2014, p. 6.

2 The South Face is a work by Hamish Fulton, at once walk and painting. It makes reference to the well-known brand of hiking and mountaineering clothing, The North Face, mischievously hijacking the name to indicate how the brand is becoming mainstream, because it has nothing more to do with its origins; The South Face can also be understood as a way parallel to the spirit of mountaineering ever in search of exploits and sensations, symbolized by the north face, which is usually the most dangerous (Cf. Hamish Fulton – Walking Transformation catalogue published for the exhibition of the same name at the Villa Merkel, Galerien der Stadt Esslingen am Neckar, from 9 March to 8 June 2014, éditions SNOECK).

3 La conversation, op. cit., p. 8.

 


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