Stéphane Calais, Une grammaire

par Stefania Meazza

L’exposition personnelle de Stéphane Calais à l’ISDAT de Toulouse est construite autour d’un glissement d’échelle qui fait basculer le croquis vers une dimension monumentale. Dans l’ample salle d’exposition du Palais des Arts, l’artiste a joué avec l’espace étiré et très haut de plafond en collant des croquis en noir et blanc à même le mur, suivant une composition précise et cadencée. La taille de ces dessins, plus grande que celle de croquis classiques, ainsi que leur accrochage, évoquent des affiches. S’éloignant ainsi de leur dimension intime, ils épousent une nature plus publique et éphémère.

Les sujets proposés (vues d’atelier, natures mortes, intérieurs meublés), tous figuratifs, contrairement aux peintures de l’installation Immer, ever présentée au Musée d’art contemporain des Abattoirs en juin dernier, flirtent avec la tradition de la peinture classique. La question de l’ornement, récurrente dans la production de Stéphane Calais, est ici aussi centrale et particulièrement mise en valeur à travers l’abondance de motifs qui prennent les formes de tapisseries, fleurs, lignes de mobilier, détails ornementaux…

De près, le spectateur pourrait soupçonner qu’il s’agit de dessins agrandis et imprimés, où l’expressivité du trait serait refroidie par l’intervention de l’outil numérique. Bien qu’évoquant la tradition historique (il est difficile de ne pas y lire des références au décoratif propres à la peinture de Matisse ou de Bonnard), leur réalisation les détourne du style moderne, pour questionner le statut du dessin contemporain et ses frontières poreuses avec d’autres formes d’expression : de la BD au graphisme.

À l’instar du trait fin des croquis, la composition de ce mur est épurée et extrêmement équilibrée. Elle se matérialise, notamment, par une grille de couleur qui constitue une sorte d’échafaudage pour le positionnement des croquis. Sur le mur d’en face, de larges taches de peinture suivent le même rythme scandé mais avec une exécution plus expressionniste. Le chromatisme se limite aux couleurs primaires : bleu, rouge et jaune. Entre peinture figurative, d’un côté, et abstraction, de l’autre, l’équilibre est incontestable.

Cette propension à un ordre libre de toute tension, où chaque pièce trouve sa place à l’intérieur d’une composition harmonieuse, vise à composer une grammaire de formes, autour de laquelle s’élabore le discours de l’exposition. La grille picturale découpe cette architecture difficile à investir en établissant les règles de la « bonne écriture » dans l’espace, comme la grammaire fixe les règles de la langue.

Un doux regard ironique se répand dans l’exposition, impliquant le contexte et le rapport entre ce dernier et les sujets proposés. Nous sommes dans une école d’art : peut-on encore définir ce type d’institution comme le lieu qui dispense les normes artistiques des « Beaux-Arts » où les jeunes artistes de demain apprennent le dessin dans ses règles, la composition, l’Art enfin ?

 

 


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