FID 2009 : le palmarès

par Estelle Nabeyrat

Festival du Documentaire à Marseille : Palmarès 2009

par Estelle Nabeyrat

Pour sa vingtième édition et comme à l’accoutumée, le Festival du Documentaire de Marseille avait concocté cette fois encore une véritable programmation de choix. Avec près de 160 films (en compétition et hors compétition), le FID est un véritable hommage à tout se qui compose le 7ème art. En cette année anniversaire, le FID a su ne pas déroger à la règle à laquelle Jean-Pierre Rehm, son délégué général, est resté fidèle ; par un savant brouillage des frontières, le Festival revendique toujours plus haut la permanence d’un transversalité entre documentaire et cinéma-fiction. Il est une immersion dans l’image-mouvement, ses genres et ses générations ; son iconoclasme assumé observe le cinéma contemporain et ses variations, la vidéo d’art y a sa place, car les films comptent autant que ce qui se tisse dans cette proximité.

videomappings

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Avec les « écrans parallèles », le FID suggère chaque année une introspection thématique : « Les spectres de l’Histoire » fut notamment l’occasion de découvrir ou de redécouvrir le monument « Hitler, un film d’Allemagne » réalisé en 1977 par Hans Jürgen Syberberg. Diffusé quotidiennement par chapitre puis dans sa version intégrale de 7 heures, le très long métrage donnait la mesure rythmée du festival. Le film fond en un les destinés du nazisme, du cinéma autant que de son spectateur – acteur potentiel dont il faut parfois réveiller la conscience.

Bien plus qu’une série de projections qui s’enchaînent, le FID laisse transparaitre de façon structurelle une réflexion sur son objet – le cinéma version grand angle – et ses sujets.

Les spectres de l’Histoire se construisent au présent. Petites et grandes histoires se côtoient dans un moment suspendu à la contemporanéité. L’homme est l’échelle d’une histoire, vécue ou rêvée, le film en est un vecteur. Voici donc un fil à peine tendu entre un choix de trois réalisations et réunis ici parce qu’il sont aussi artistes, bien connus des « arts plastiques », coutumiers des salles d’expositions et primés cette année par quelques jurys du FID.

The Cat, the Reverent and d-the Slave, 2009, Alain della Negra et Kaori Kinoshita, prodCapricci Films

The Cat, the Reverent and d-the Slave, 2009, Alain Della Negra et Kaori Kinoshita, produit par Capricci Films

Ainsi « The Cat, the Reverent and the slave » réalisé par Alain Della Negra et Kaori Kinoshita, fut lauréat du Prix Beauregard National et Prix du Groupement national des Cinémas de Recherche.

Dans la lignée de « The Den », réalisé en 2008, le film explore le monde virtuel du jeu « Second Life » dans un va et vient constant entre réalité et fiction. Les joueurs qui l’habitent s’y rassemblent quelquefois par tribus : les Furries, mi hommes mi animaux ; les Goréens  qui prônent la relation maître-esclave pour citer quelques exemples parmi d’autres. Les acteurs de ces étranges communautés brisent peu à peu la frontière entre virtuel et réel en devenant le personnage qu’ils ont façonné à l’intérieur de « Second Life ». Le style documentaire est alors parasité dans sa forme, quel est le vrai du faux ? Le film nous plonge dans une confusion permanente qui révèle l’intrusion de l’autofiction dans le réel ou comment des mondes viennent à fusionner dans ce qui pourrait être une expérience proche du cybernétisme.

Hinterland, 2009, Marie Voignier, 2009, prodCapricci Films en co-prod avec le CAC Brétigny

Hinterland, Marie Voignier, 2009, produit par Capricci Films en co-prod avec le CAC Brétigny

Prix des médiathèques 2009,  « Hinterland » de Marie Voignier, est une traversée temporelle entre deux époques et deux régimes politiques. Construite sur un ancien site militaire soviétique datant des années 30, une gigantesque ogive de 66 000m2 est érigée en 1999 par une entreprise spécialisée en transport par ballons dirigeables. Le site est ensuite reconvertit en immense parc aquatique inspiré de l’exotisme malaisien. Si M.Voignier filme, non sans humour, le ridicule d’un décor de carton pâte, elle ne néglige jamais le récit des témoins ou l’espoir et la tristesse contenue dans cette mutation. « Tropical Island » est le simulacre d’un paradis autant qu’il est une sphère symbolique de relations. Elle concentre en un point la destinée de personnes qui fond la mémoire et construisent l’identité des espaces sans renom.

Enfin, «  Videocartographies : Aïda, Palestine » de Till Roeskens, lauréat du Grand Prix de la compétition française, donne corps à la parole, aux récits de six hommes et femmes refugiés du camp de Aïda en Palestine. Les visages ne sont jamais montrés, seul le trait d’un dessin en train de se faire nous est donné à voir, le fil d’un parcours traversé par des anecdotes ou des gestes quotidiens constamment déviés de leurs trajectoires parce qu’ils animent sur des territoires occultés. A travers une image d’une grande sobriété, Till Roeskens se fait le topographe de ses petites histoires involontairement liées à la grande. Circonscrites à l’intérieur d’un cercle concentrique, elles n’ont d’issue provisoire que par leur transmission. Till Roeskens en a fait sa mission, considérant les témoins de ce film comme ses coauteurs il ne manquera pas de leur rendre hommage lors de la remise du prix, une manière de bouleverser, à nouveau, les systèmes de valeur qui régissent nos microcosmes.

Et pour compléter une liste toujours lacunaire, il nous faut encore citer « Gennariello due volte » d’Elise Florenty qui sur fond de récentes révoltes lycéennes en Italie, imagine une réponse à la lettre que Pasolini écrivit en 1950 à un adolescent, et dictée par un homme qui serait aujourd’hui âgé d’une quarantaine d’année. Ou encore «  Coopérative » de Raphël Grisey ou la génèse d’une expérience agricole malienne initiée par Bouba Touré et ce afin d’inciter le retour des migrants et l’activité des autochtones. Un diptyque conçu pour un dispositif vidéo qui mêle documents d’archives et images tournées par son auteur. Ou inscrire la tentative d’un homme dans un possible détournement du cours de l’histoire.


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