elles@centrepompidou

par Sarah Ihler-Meyer

Elles, le retour du réel

par Sarah Ilher-Meyer

Sur deux plans Elles@centrepompidou atteste du retour du réel dans les arts. Exclusivement consacrée aux artistes de sexe féminin, cette expo-collection donne à comprendre la période des années 1960 à nos jours comme celle d’une nouvelle alliance entre l’art et le monde, et offre l’occasion de s’opposer aux conceptions historicistes de l’art.

Hannah Wilke

Hannah Wilke, S.O.S. 1974 - 1975

Avec des sections aux intitulés évocateurs, « Corps slogan », « Feu à volonté » ou encore « Une chambre à soi », elles@centrepompidou expose des œuvres en majeure partie tournées vers le monde. La société, ses conflits et ses conventions, la sphère privée dans sa relation à la sphère publique, sont autant de problématiques traitées par les artistes ici rassemblées. De fait, « elles » témoignent de ce qu’Hal Foster a analysé dans les années 1990 : à la suite de la modernité artistique – axée sur une prétendue essence de l’art –, la période des années 1960 à nos jours renoue avec son autre, le réel.

Agitées par toutes sortes de mouvements sociaux – homosexuels, afroaméricains ou encore féministes –, les années 1960 et 1970 coïncident en effet avec la relance d’une pratique ouverte sur le monde. Les artistes intègrent à leurs œuvres des questions d’ordre social, politique ou encore individuel. Avec Hannah Wilke, Sanja Ivekovic ou Orlan, la représentation de la femme est déconstruite. L’Histoire avec un grand H comme la petite histoire sont interrogées par Suzanne Meiselas, Nancy Sperro, Annette Messager mais aussi Sophie Ristelhueber. L’art est de nouveau l’occasion de penser le monde et le moi.

Si « elles » attestent du retour du réel dans la création, « elles » opposent également le réel aux traditionnelles histoires de l’art. A peine visibles, sinon absentes des récits officiels, les artistes femmes renvoient ces derniers à ce qu’ils sont : l’orthodoxie d’une histoire beaucoup plus vaste. En résumant la création à celle des « génies », l’histoire de l’art traditionnelle exclue des centaines d’artistes dont font souvent partie les femmes. En même temps qu’elles confrontent le discours officiel au réel, qui n’est autre que son hétérodoxie, ces créatrices le mettent à bas.

« Elles » contribuent également à la mise en crise du récit moderniste de Clément Greenberg. Selon lui, l’art s’achemine depuis le milieu du XIX°s de manière cohérente et continue vers son essence, à savoir, en ce qui concerne la peinture, la surface plane. Cette théorie rejette un nombre important de productions. On pense à Dali, à Balthus, aux artistes de la Nouvelle Objectivité allemande, mais aussi à des peintres telles que Suzanne Valadon, Frida Khalo ou Lee Bontecou. Or, précisément, en tant que « marginales » ces artistes font du récit moderniste une conception idéaliste de l’art. Elles sont alors le réel face auquel la théorie de Greenberg s’écroule.


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