r e v i e w s

Stéphane Thidet

par Eva Prouteau

Stéphane Thidet
Inside Out

Dehors : une injonction qui chasse et congédie.
Dehors : un terrain expérimental illimité.
Dehors : un titre d’exposition qui désigne en creux son contraire.
Stéphane Thidet joue ainsi la carte du brouillage des cartes. Au rez-de-chaussée du Grand Café, il installe deux tonnes de confettis endeuillés, noirs comme de la suie ou du goudron, doucement luisants. Ce mont se dresse comme un oxymore, autarcique et vulnérable, organique et industriel, pesant et prêt à l’envolée. Oxymorique encore, l’installation Sans titre (Le Portique) : une balançoire et deux anneaux empêchés de tout potentiel mouvement par des murs de plexiglas, outils de préservation et de mise à mort. L’élan ludique présent dans ces deux pièces (la fête, l’enfance) subit comme une involution, une réversibilité inquiétante. Et c’est à nouveau le basculement vers une réalité funeste que convoque la vidéo en boucle Du Vent dans les champs exposée à l’étage, un cache-cache dans un champ de maïs filmé comme la course à corps perdu de Cary Grant dans La Mort aux trousses. Plus loin, huit photographies couleur envahies par le gris montrent des ruines contemporaines, reliefs de paysages artificiels où les grands animaux des zoos répètent à l’infini leurs ballades captives. Étrange dehors. L’accrochage, baigné par l’éclairage naturel, est sage et linéaire comme dans une salle d’attente. Quittant ce sas transitionnel le visiteur est projeté dans une pièce sombre, habillée d’une épaisse moquette rouge et de murs bruns foncés. En son centre trône un vieux billard anglais, dont le tapis vert hyper-lumineux se soulève pour ouvrir un espace à la localisation incertaine. Daumal et son roman d’aventures alpines, non-euclidiennes et symboliquement authentiques sont de la partie. Et Lynch aussi, pour la métaphore scénique et la représentation très précise d’une forme mutante. L’intérieur cosy accouche de montagnes, ultime rêverie du dehors. Stéphane Thidet boucle là un merveilleux voyage formel, paradoxal et antinomique. Un système de frictions spatiales qui pâtirait cependant de devenir recette : « La porte de l’invisible doit être visible » écrit Daumal dans Le Mont analogue. Mais pas trop visible non plus.

Éva Prouteau

Stéphane Thidet, Dehors, au Grand Café, Saint-Nazaire, du 29 mars au 21 mai 2008.

Stéphane Thidet, Sans titre (Je veux dire qu'il pourrait très bien, théoriquement, exister au milieu de cette table [...]), 2008. Production Le Grand Café. Photo Marc Domage

Stéphane Thidet, Sans titre


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