r e v i e w s

Michel François à l’Institut d’Art Contemporain à Villeurbanne

par Antoine Marchand

Dazzling Display

« C’est un trajet qui nous aide dans notre progression, on perd le fil. » Cette citation, qui conclut le long monologue de Michel François publié dans son dernier catalogue, résume parfaitement l’exposition Plans d’évasion à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne. L’intégralité de ce texte est d’ailleurs un exact condensé de la pratique de cet artiste. En effet, une seule et même phrase se développe sur plus de six pages, et laisse transparaître son mode de pensée, soit un esprit en perpétuelle ébullition, dans l’expérimentation permanente. Impossible, au vu du corpus réuni, d’aborder son travail par le prisme d’un médium ou d’un courant spécifiques. On note certes une prédominance assumée de la sculpture mais celle-ci se veut hybride, travestie et manipulée pour mieux envahir tous les autres domaines de la création, de la photographie à la vidéo, de l’installation à la performance. Selon le même principe, se télescopent dans

 Michel François. Vue de l’exposition à l’IAC, Villeurbanne. © Blaise Adilon

Michel François. Vue de l’exposition à l’IAC, Villeurbanne. © Blaise Adilon

une joyeuse orgie conceptuelle high & low, appropriation, trouble de la perception, dichotomie nature/culture, entre autres. Si convoquer autant de références pourrait sembler prétentieux, la manière totalement décomplexée qu’a Michel François de les pervertir et de les désacraliser ne laisse aucun doute quant à ses intentions. En offrant l’ensemble de ses espaces au créateur belge, l’IAC lui donne une occasion rare de penser une représentation – au sens d’un nouveau display – de son travail. Et effectivement, en multipliant notamment les perspectives et les jeux de symétrie ou de redoublement, il modifie sensiblement notre appréhension du lieu et provoque une perte de repères assez déstabilisante.
L’ensemble de la production de Michel François s’inscrit dans un système en apparence hétéroclite, mais diablement efficace et ô combien pertinent, un work in progress permanent, où chaque œuvre produite en recèle potentiellement plusieurs autres en son sein. Si rien dans son travail ne nous est donné directement, une amorce de scénario est toujours présente, libre ensuite à chacun de dénouer les nœuds, d’opérer d’éventuels rapprochements. Dans cette démarche globale, aucun opportunisme ou envie de séduire, simplement la volonté de recycler, d’expérimenter toujours et sans cesse. Et si la contamination, le parasitage de certaines œuvres par d’autres pourrait parfois laisser planer une impression de déjà-vu, de redite, il est toujours un détail, un point de vue nouveau, un décalage qui s’opère pour venir enrichir le propos. La matière n’est jamais contrainte, elle vit et évolue sans cesse.
Devant une telle profusion, difficile de s’arrêter sur une œuvre en particulier. C’est dans la confrontation des pièces réunies, dans ce qui se joue entre les murs de l’IAC que se situe la cohérence de l’ensemble. Peut-être peut-on tout de même évoquer « l’atelier », qui rassemble des objets et « études » réalisés depuis la fin des années 1980. L’installation de cet ensemble au beau milieu du parcours – alors qu’on attendrait plutôt ce genre de proposition en préambule de l’exposition, voire dans des salles annexes – n’est pas anodine. En effet, c’est lorsqu’il s’est retrouvé sans atelier, obligé d’expérimenter directement dans l’espace d’exposition, que Michel François a pu développer cet art de la composition si maîtrisé désormais, et qui fait tout l’intérêt de Plans d’évasion.
Michel François, Plans d’évasion
Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne
12 mars – 9 mai 2010