Isabelle Cornaro à la Ferme du Buisson
Isabelle Cornaro/ Orion aveugle : récits avec figures projetées
Lors de son exposition à la Ferme du Buisson au début de l’été, Isabelle Cornaro aborde une nouvelle fois la question du paysage. Spatialisé, le paysage y est un thème développé comme motif et prétexte au déploiement de la profondeur (illusionniste) de l’image.
L’installation Paysage avec poussin et témoins oculaires est une composition sur socle d’objets liés à la représentation de la nature. Les modules installés hiérarchiquement, par ordre croissant de taille et de forme, reproduisent, dans la perspective de l’espace d’exposition, ce qui est, plan à plan, un ordonnancement classique d’espace paysagé – du moins tel que la tradition picturale occidentale nous l’a livré. L’ensemble redéfinit, par le biais de l’abstraction, le déroulement spatial de la profondeur du tableau.
Le paysage, par le glissement des ressemblances, et par le retournement de la représentation sur elle-même, est ré-écrit sur un mode abstrait au moyen d’objets domestiques – principe expérimenté précédemment dans la série des Savanes (2003-2007), paysages de brousse dessinés par l’agencement de bijoux anciens. Ces objets-ci sont en premier lieu des objets usuels à l’image de ce dont ils ont la fonction : une terrine en faïence en forme de lapin, des vases décorés de fleurs, une petite cuillère de grains de café, un coquetier en poussin. Ce sont aussi, en second lieu, un ensemble d’instruments destinés à la mesure de l’espace : des jumelles, une loupe, une mire de diapositives, des règles. Tous ces objets sont des trophées de civilisation, sédiments d’une culture moderne et progressiste, marqués d’une esthétique et d’une utilité qui ne peut totalement couvrir leurs valeurs idéologiques.
L’installation Onze dessins synopsis pour une prise de vue, édité dans un catalogue sous le titre Black Maria, en référence au premier studio de prise de vue que construisit Edison dans le New Jersey, est une avancée physique vers figure isolée dans un paysage semi-urbain. Les douze photographies restantes – du panoramique au très gros plan – sont redessinées au crayon, sur calque, suivant des lois schématiques et mathématiques abstraites pour répondre à une double problématique d’ordre plastique et idéologique, à savoir, de la nécessaire constituante dynamique du regard, de son mouvement, mais aussi des moyens techniques ou philosophiques de prendre la mesure de l’humain. Inversement, dans la série de films présentés sous le titre Songs of Opposites, tournés dans les jardins du parc de Rentilly, c’est le corps qui redessine et structure l’espace du jardin par des traversées physiques d’ordre graphique. Dans Who walked between the violet and the violet, un personnage, qui n’est autre que l’artiste, entre dans le champ en plan serré jusqu’à une ouverture maximale de l’objectif. Du très gros plan au panoramique, toujours en butte à l’angle gauche du cadre, elle dessine, dans sa marche, une diagonale invisible sur l’immensité verte de la pelouse, devenant, ainsi et désormais, signe abstrait et graphique, corps technique et figure romantique.
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