r e v i e w s

Biennale de Gwangjiu

par Florence Ostende

Une anthologie d’expositions

Gwangju, Busan, Yokohama, Canton, Shanghai, Singapour, Taipei… Cette année, il fut particulièrement difficile de suivre (pour ceux qui s’acharnent à suivre) le rythme frénétique et proliférant des biennales asiatiques. Créée en 1995, la biennale de Gwangju (la plus ancienne d’Asie de l’Est) se démarquait des autres qui avaient, pour la plupart, choisi des thématiques plus ou moins réjouissantes (de la mort du post-colonialisme à Canton au concept de dépense emprunté à Georges Bataille à Busan). Plutôt que de choisir un thème fédérateur, voire artificiel, Okwui Enwezor, directeur artistique de la 7e biennale de Gwangju (et auteur de la 11e Documenta de Kassel) a opté pour une méthode beaucoup plus transparente : montrer et reconstituer les meilleures expositions qu’il a pu voir dans le monde entier entre janvier 2007 et septembre 2008. Cette section de la biennale intitulée On the Road reproduisait des fragments d’expositions plus ou moins importants provenant de lieux aux économies les plus diverses (musées, centres d’art, galeries commerciales). La biennale de Gwangju livrait ainsi au public coréen le carnet de voyage d’un visiteur d’expositions dont la cavale infernale de continent en continent s’obstine encore à vouloir tout voir. Rentrer dans cette biennale, c’est rentrer dans un cerveau qui se déploie comme un aéroport digérant à vitesse supersonique des trajectoires élastiques, de Séoul à Paris, de Venise à Philadelphie, de Londres à New Delhi. L’exercice de l’exposition collective devenait plus complexe que d’habitude puisque chaque œuvre exposée avait voyagé jusqu’en Corée amenant avec elle son contexte original de monstration. Les premières pages du catalogue compilent plusieurs communiqués de presse des expositions sélectionnées (photocopiés tels quels et dans leur langue d’origine) afin d’expliciter la diversité géographique et économique du contexte de production d’une exposition. On pouvait donc enchaîner dans un même espace des œuvres d’Hans Haacke exposées à la galerie Paula Cooper à New York avec des photographies de Dayanita Singh montrées à la galerie Nature Morte à New Delhi avec une vidéo de Donghee Koo provenant de l’atelier Hermès à Séoul. Une des plus belles reprises était celle de l’exposition Embassy de Thomas Demand dont l’itinérance avait commencé à Venise en 2007. Présentée avec les murs peints en noir, la séquence de photographies (Yellowcake, 2007) reconstituait le cambriolage en 2001 des bureaux de l’ambassade du Niger à Rome dont il ne reste aujourd’hui aucune trace. Intégrées les unes dans les autres comme dans un fondu enchaîné, les expositions passées étaient également accompagnées d’expositions inédites. À moins qu’un visiteur ne lise attentivement chaque cartel, la transition d’un fragment d’exposition à un autre ne se remarquait quasiment pas. Le passage d’un extrait de la rétrospective de Gordon Matta-Clark au Whitney Museum à une exposition d’artistes philippins conceptuels des années 1960 et 1970 produisait de nouvelles perspectives, notamment une relecture élargie des avant-gardes des années 1960. Les différentes propositions s’orchestraient à l’unisson, l’ensemble étant le fruit d’une signature collective à l’encontre de la vision dominante d’un seul directeur artistique.

The 7th Gwangju Biennale, Annual Report : A Year in Exhibitions, Gwangju, Corée, du 5 sep. au 9 nov. 2008.

thomas demand, Embassy, 2007. Vue de l'installation, Fundacion Téléfonica, Madrid, 2008. copyright Thomas Demand. Courtesy de l'artiste et Monika Sprüth / Philomena Magers, Münich;

Thomas Demand, Embassy, 2007. Vue de l’installation, Fundacion Téléfonica, Madrid, 2008. copyright Thomas Demand. Courtesy de l’artiste et Monika Sprüth / Philomena Magers, Münich.

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