r e v i e w s

Barcelona Gallery Week-end

par Mya Finbow

Du 14 au 17 septembre 2023 

Organisée du 14 au 17 septembre 2023 par l’association Art Barcelona, la 9ème édition de Barcelona Gallery Week-end rassemble 27 galeries d’art moderne et contemporain au cœur de Barcelone et dans les deux communes attenantes, L’Hospitalet de Llobregat et Santa Margarida i els Monjos. Outre la programmation des anciennes et jeunes galeries barcelonaises qui présentent près de 70 artistes nationaux et internationaux, BGW met également en œuvre plusieurs manifestations en lien avec la foire : rencontres, discussions, lancement d’éditions, visites commentées et promenades avec des commissaires participant à la création d’un temps fort majeur de l’art à Barcelone. 

Sandra Montessoro, vue de l’exposition « La herida, la venda, la cura » à Zielinsky
© Photo Eva Carasol. BGW 23

Quelques temps forts de l’évènement.

Cette année, l’édition de Barcelona Gallery Week-end met en avantune manière innovante d’aborder la programmation de l’événement en invitant sept commissaires locaux à imaginer des parcours connectant les différentes expositions présentées par les galeries. 

Gabriel Virgilio Luciani, commissaire et rédacteur en chef du magazine d’art contemporain numérique exibart.es, a choisi de réunir les cinq expositions du quartier de L’Hospitalet de Llobregat autour du phénomène de l’apophénie, trouble de la perception qui rassemble des évènements n’ayant aucun lien entre eux. Le walk commence donc à la galerie Alegria où Alberto Peral & Luis Bisbe ont produit une collection de sculptures issue de l’extraction de fragments du lieu qui devient la matière première de leur exposition « Del que un diu / el que està així / només doble » (De ce qu’on dit / qu’est-ce qui est / seulement le double). À NoguerasBlanchard, le travail de l’artiste française Anne-Lise Coste résonne avec les récentes manifestations contre les violences policières en France ; les deux installations lumineuses POLICE et non se répondent, l’une comme mise en garde sur les actions violentes des autorités de contrôle et l’autre comme symbole de notre droit de résistance à l’oppression. À l’étage supérieur, la galerie Ana Mas Projects propose une exposition rétrospective qui met en lumière les différentes recherches sur l’espace et le vide que développe la peinture abstraite et conceptuelle de l’artiste galicienne Berta Cáccamo, ponctuée d’œuvres en collaboration avec l’artiste barcelonaise Patricia Dauder dont on retrouve le travail dans une exposition monographique à la galerie ProjecteSD. Au dernier étage, c’est Jaime Hayón, artiste et designer, qui s’empare des différentes salles de L21 Barcelona en créant une expérience immersive marquée par ses tableaux métaphoriques et ses sculptures hybrides. Le parcours se termine à ethall où l’installation La caza del zorro de Martín Vitaliti, composée d’un écran vidéo divisé en 4 parties, reprend un court métrage de 1930 produit par Walt Disney et met en exergue le consumérisme ambiant de nos sociétés contemporaines.

Anne-Lise Coste Police, 2022 © Crédit Gina Folly

Dans un autre quartier de Barcelone, Sabel Gavaldon, commissaire et responsable des programmes du public au MACBA débute sa visite avec le film Une journée d’Andreï Arsenevitch du réalisateur Chris Marker où celui-ci distingue deux manières opposées de regarder le monde : celle des grands classiques du cinéma hollywoodien et celle du maître russe Andreï Tarkovski. 
Ainsi à ProjecteSD avec l’exposition « Interiors » nous découvrons la façon dont l’artiste Patricia Dauder s’attache à regarder au-delà du monde visible ; elle s’intéresse aux différents matériaux qu’elle récolte dans les vestiges des bâtiments détruits de Barcelone et leur donne une nouvelle identité. À la galerie Zielinsky, Sandra Montessoro présente un travail qu’elle considère comme une pratique réparatrice, tentant de remettre en avant la dimension vernaculaire de cette dernière, issue de sa descendance et de sa culture maya. Les textiles qu’elle colore selon des rituels précis, utilisant des pigments comme la cochenille ou l’indigo — marchandises servant à la confection de vêtements de luxe en occident — sont empreints des stigmates de la disparition du monde indigène d’Amérique du Sud, ils deviennent les mémentos de l’histoire de la violence faites aux peuples natifs guatémaltèques. Des couleurs que l’on retrouve mais sous un autre angle dans la dernière étape du parcours de Sabel Gavaldon à Marc Doménech où celui-ci présente une sélection de peintures monochromes. L’exposition collective « Fields of silence » décrit une progression de l’histoire de la peinture espagnole de l’abstraction d’après-guerre jusqu’à nos jours. 

Joan Fontcuberta à àngels barcelona © Photo Eva Carasol. BGW 23

Barcelona Gallery week-end programme aussi de multiples rencontres et discussions avec les artistes exposé·e·s. Ainsi Joan Fontcuberta à la galerie àngels barcelona exprime dans son exposition « Dust gardens », la fragilité du procédé photographique — et par analogie la fragilité de la mémoire — supposé immortaliser un moment, en travaillant soit avec des vieilles images exhumées et littéralement mangées par des micro-organismes, soit avec des images générées par l’IA qui montrent un jardin dénué de mémoire, des paysages irréels produits par un algorithme. À la galerie Bombon Projects, Enric Farrés Duran, artiste conceptuel qui cherche constamment à brouiller les frontières entre le réel et la fiction, suggère dans son exposition « Encara no » (pas encore), diverses manières d’aborder l’acte de regarder afin de repenser la manière dite correcte de voir. L’artiste Lola Lasurt, quant à elle, propose une visite commentée de son exposition « Pictorial Curation I : Esther Guillén, her Contemporaries and the School of Vallecas » à la galerie Joan Prats où elle y peint l’abstraction de manière figurative ; un projet mené par l’artiste qui découle d’un processus collaboratif, une conversation entre ses peintures et les céramiques de la sculptrice Esther Guillén et à qui Lola Lasurt rend hommage. Enfin Bouchra Khalili, finaliste du Prix Marcel Duchamp 2023, présente son livre « Entre Cercles et Constellations », un catalogue de l’exposition que lui a consacré le MACBA en mai dernier. Son exposition « Fanning the spark of hope in the past » à ADN Galeria reprend les récits et histoires collectives qu’elle collecte pour en faire une forme de poésie civile dans l’optique de penser une nouvelle communauté prônant la résistance, l’entraide, le féminisme et la solidarité internationale. 

En contrepoint, depuis 2017 l’association Art Barcelona affirme son soutien aux galeries associées en développant un programme d’acquisitions afin que fondations et entreprises privées intègrent dans leurs collections des œuvres présentées dans le cadre de BGW ; elle vise ainsi à mettre en valeur le travail effectué par les galeristes et à promouvoir la collection d’art. Ainsi dans une joyeuse effervescence, Barcelona Gallery Week-end impulse une réjouissante dynamique artistique à travers la ville et rend visible la scène espagnole et catalane mais aussi la scène internationale en se distinguant des autres foires d’art par son riche programme d’activités qui vient susciter un dialogue généreux entre artistes, collectionneur·euses et publics.

Bombon Projects, Enric Farres Duran © Photo Eva Carasol. BGW 23
Galeria Joan Prats, Lola Lasurt © Photo Eva Carasol. BGW 23

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Head image : Bouchra Khalili, The Magic Lantern, 2022