r e v i e w s

Amy O’Neal

par Jill Gasparina

Dans le catalogue d’Amy O’Neill paru en 2006, John Miller faisait de l’image d’une cage de zoo débordant de végétation l’emblème étrange de l’idée d’émancipation. On pourrait ajouter une image supplémentaire, tirée de l’exposition Hollow Trees & Storybook Ruins à Fri-Art celle d’une pomme de pain coincée dans un moulage en plastique, une image a priori anecdotique. Cette petite pomme de pain -soigneusement laissée à sa place par l’artiste sur l’un des panneaux de la série des Ghost trees– pourrait se lire hâtivement comme le symbole de la disparition d’une nature piégée, anthropisée à outrance, comme un vestige en somme. Ou au contraire comme le retour d’une nature refoulée, le signe que la tentative de tout domestiquer a échoué. Mais qu’elle capture un arbre dans du PVC, ou qu’elle confie à Toni Meier la réalisation de masques en bois de tilleul, Amy O’Neill ne tient pas de discours idéologique. Son travail s’ancre dans une histoire bien spécifique, celle de la conquête du territoire américain, les subcultures et folklores qu’elle a générées, de la créativité outsider des pionniers à ce mélange étrange de formes minables et suprêmes qui définit le capitalisme contemporain. Il pose aussi des questions biopolitiques et écologiques plus larges : filmer un petting zoo à l’abandon, son retour progressif à l’état sauvage, et projeter le film dans un espace où les traditionnelles banquettes ont été remplacées par des bottes de paille (Forest Park Forest Zoo, 2008), dresser des arbres fantômes comme une scène (Ghost Trees, 2008), accrocher des souches comme des bas-reliefs (9 Burls, qui évoque les labours picturaux de Didier Marcel), mettre en regard des dessins de chalet, puis, par la fenêtre, de vrais chalets suisses, sont des gestes qui théâtralisent et brouillent les limites du naturel et du culturel, montrent la non-pertinence de ces catégories, ou plutôt leur absence de stabilité, et in fine leur réversibilité (le Michigan, état du Forest Zoo, est d’ailleurs l’état de Detroit, ville rendue elle aussi par endroits à la nature).

Si l’on vient de Paris, on arrive à Fribourg après avoir traversé les magnifiques paysages photoshopés des alentours de Lausanne. Mais le monde entier n’est pas fait pour aboutir à une carte postale : l’exposition Hollow Trees & Storybook Ruins est justement très belle parce qu’elle dégage une sensualité rustique, chaude et colorée qui appartient presque autant au lieu qu’aux œuvres.

Jill Gasparina

Amy O’Neal, Hollow trees & storybook ruins, à Fri-Art, Fribourg, du 23 février au 11 mai 2008

Hollow trees & story book ruins, 2008



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