Jakob Kassey, Giraud et Siboni, New Galerie

par Marie Frampier

Jacob Kassay, galerie Art Concept, Paris

Jacob Kassay est un jeune artiste new-yorkais dont la pratique comprend aussi bien des peintures, des œuvres sur papier et des vidéos que des collaborations avec d’autres artistes et musiciens. Sa première exposition personnelle est aujourd’hui présentée à la galerie Art Concept. Une série de huit monochromes argentés convoque, avec une distance réflexive voire critique, certains canons artistiques de l’histoire de l’art occidental moderne et contemporain. Les jeux de lumière, de matières et de profondeur de ladite noble peinture sur toile sont ici révélés autant qu’interrogés par la monochromie et la fabrication sérielle et industrielle des œuvres.

Jacob Kassay

Jacob Kassay, vue de l'exposition

La répétition n’est jamais garante du même, que ce soit dans la peinture, ou avec une marge interprétative plus grande, dans la vidéo (remakes), la performance (reenactments) et la musique (musique sérielle). Les huit tableaux diffèrent peu les uns des autres et attirent de fait notre attention sur la notion d’originalité et sur le statut de l’œuvre. Mais leurs infimes particularités existent bel et bien et mettent en exergue l’impossible neutralité du geste, artistique ou mécanisé. Jacob Kassay joue aussi avec le grand symbole moderniste, quasi romantique, du miroir. Celui-ci n’est pas représenté, magnifié ou mis à mal ; il apparaît simplement au visiteur qui s’en approche par la découverte du reflet trouble de sa propre silhouette. Rhys Chatham, compositeur et musicien post-minimaliste, proposait le soir du vernissage une pièce sonore expérimentale liée à l’œuvre de Kassay.

die dritte dimension new galerie

Die dritte dimension, vue de l'exposition, New Galerie, Paris, 2010

 

Die Dritte Dimension, New Galerie, Paris

L’exposition Die dritte Dimension, dont le titre signifie « la troisième dimension », regroupe les œuvres de cinq artistes de la scène allemande contemporaine. Les deux espaces de l’exposition mettent aisément en relation les caractères sculpturaux et architecturaux des peintures et œuvres sur papier avec la dimension picturale des sculptures présentées. Les formes géométriques et coulures de peinture aérographe sur les supports cartons d’Hansjoerg Dobliar font par exemple écho à Living Platform 2.2 de Manfred Pernice. Cette sculpture massive peu hospitalière, constituée de matériaux et objets domestiques (contreplaqué, carrelage et porte-manteaux), est elle-même peinte à la bombe, taguée et graffée.

Comme un clin d’œil à la porosité des deux mediums, où l’un serait le double potentiel de l’autre, les œuvres apparaissent par affinités formelles. Thomas Zipp et Dan Rees questionnent aussi l’illusion de la représentation et les possibilités qu’engendre son détournement, de la reproduction symétrique mais partielle (D. Rees) aux diptyques mêlant la photographie documentaire et son alter pictural (T.Zipp). Dans les propositions de T.Zipp, la gémellité des visages anonymes est fictionnelle et le lien entre les paysages semble n’exister que par le simple fait de leur association. L’exposition aborde dans son ensemble les rapports que la peinture et la sculpture entretiennent entre elles et avec leur environnement immédiat, ce qui n’est pas très novateur mais cependant bien traité, notamment grâce à l’élargissement du propos offert par les deux diptyques et l’œuvre in situ.

Fabien Giraud et Raphael Siboni

Fabien Giraud & Raphael Siboni, Sans titre (Et si quelque part quelque chose se mettait simplement à vous remplacer), 2010

Et si quelque part quelque chose se mettait simplement à vous remplacer, Galerie Loevenbruck, Paris

Et si quelque part quelque chose se mettait simplement à vous remplacer. Quelque part ? Quelque chose ? Vous…nous ? Le titre s’avère être le seul élément (faussement) informatif de cette exposition anti-didactique. Aucun cartel. Aucune explication. Le descriptif technique des œuvres ni même les noms des artistes n’apparaissent en quelque endroit de la galerie. La création d’un évènement déceptif à dessein[1] fait naître chez le visiteur un sentiment de frustration à la hauteur de la curiosité intellectuelle suscitée. Fabien Giraud et Raphaël Siboni présentent des œuvres minimales, contraintes, compressées. Deux plaques de cuivre gravées sont peintes en noir : imperceptibilité de la gravure. Deux très grandes feuilles de papier Arche sont pliées et froissées par un cadre au format inadapté. Au sol, un ordinateur biprocesseur calcule, pour un temps chiffrable en millions de milliards d’années, une équation dont chaque élément est égal à zéro. Un infini que la vidéo Sans titre (la Vallée de Von Uexkull), réalisée en plein désert sans lentille ni objectif, semble parfaire.

Enfin, les textes de l’excellent Raimundas Malasauskas nous éclairent sur la démarche des deux artistes sans jamais l’expliquer. Le texte original et son double résumé par un logiciel de réduction, placés l’un à côté de l’autre, créent une narration ouverte bien qu’immanquablement ancrée dans les problématiques de l’exposition.

Marie Frampier

 

 


[1] Cf Mise à feu instantanée d’un spectacle pyrotechnique complet, 2009. Le très court feu d’artifice d’ouverture de la FIAC, annoncé comme spectaculaire, est devenu l’avènement d’un non-évènement.

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