Tom Burr, Anthology: Writings 1991-2015

par Aude Launay

edited by Florence Derieux, Sternberg Press / Frac Champagne-Ardenne, 2015. Design graphique : Gavillet & Rust. 128 p., noir et blanc.

À la grande bibliothèque des écrits d’artistes viennent désormais s’ajouter ceux de l’Américain Tom Burr que l’on savait en effet prolifique en la matière. L’anthologie tout juste parue propose une typologie de ses matériaux textuels fétiches : collections de citations, écrits littéraires, poèmes, au travers de textes tous signés de l’artiste. C’est que bien souvent il cite et commente ses phrases favorites de Walt Whitman, Frank O’Hara, Susan Sontag, Allen Ginsberg, ceux-là même dont il aura dressé le portrait comme l’on dirait de la table d’un grand dîner en leur honneur. Ses écrits à lui sont tour à tour théoriques, critiques, biographiques, autobiographiques, poétiques… Parfois directement échappés de ses installations ils dessinent néanmoins tous les contours d’une famille de pensée que rejoignent, par-delà les sus-nommés, Robert Smithson — dont il complète notamment la réflexion sur Frederick Law Olmstead, l’architecte-paysagiste concepteur de Central Park —, Edgar Allan Poe, Robert Ryman, Richard Serra, Andy Warhol ou Truman Capote.

De son incroyable compilation de considérations d’architectes, d’ingénieurs, de politiciens, de responsables des équipements publics sur la question des toilettes publiques qui ouvre ce recueil, l’on pourrait presque dire qu’elle fait office de véritable statement pour Tom Burr. Sur plus de quatre-vingts ans d’archives (1894-1970) affleurent en effet les questions essentielles qui taraudent l’artiste : le contexte, l’in situ et la site specificity ; les rapports de classes et de genres ; ceux du corps à son environnement comme ceux de l’individu à la société qui l’inclut ; en résumé, ceux du corps physique au corps social.

Ces lieux que l’on penserait sans qualités — toilettes publiques, peep shows et cinémas pornos, parcs et bancs publics, bains publics et salles de bain, pavillons de jardin — sont ceux qui forment l’univers de Tom Burr car ils forment avant tout celui de tout un chacun, sans qu’il y prête forcément attention. C’est pourtant de ce banal qu’émergent les plus fortes constrictions sociales car ce sont les plus insidieuses. La puissance du banal, c’est justement celle qui lui fait dire : I love electric lamps—their switches, dimmers, shades; the way a bare lightbulb momentarily strikes you blind when screwed into its sockets. (Artforum, December 2009 ; Anthology p.104). Celle qui lui fait dire aussi : I like concrete. I like the way it looks in mirrors and in photographs. I enjoy the way it casts and the way it crumbles and the way it scrapes against my skin when I bang up against it. I accept the way it makes me bleed. (Corduroy Magazine, 2010 ; Anthology p.111). Celle qui ne peut que me pousser à vous enjoindre de le lire.

BurrNOW


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