Le best of d’Ingrid Luquet-Gad

par Ingrid Luquet-Gad

1 – Philippe Parreno, Palais de Tokyo, Paris

« Anywhere, Anywhere out of the world. » Où donc, alors ? En plein cœur de l’inconscient machinique. Les murs vibrent, des pianos jouent Stravinsky, un téléphone sonne dans le vide. On croise Tino Sehgal, Dominique Gonzales-Foerster, John Cage ou encore Merce Cunningham ; tandis que nous parviennent les échos des voix de Marilyn Monroe ou d’Ann Lee, le personnage de manga dont Huyghe et Parreno ont acheté les droits. Et pourtant, à partir d’automates et de spectres, de mélodies fugaces et de clignotements intermittents, l’exposition s’impose avec une présence et une cohérence rare, ne s’épuisant jamais dans ses manifestations multiples, qui à chaque visite recréent une atmosphère différente. C’est également l’une des rares fois depuis sa réouverture que l’on ne se sent pas submergé par la densité de l’accrochage du Palais de Tokyo, qui intègre ici avec profit les contraintes du lieu.

\ Philippe Parreno

2 – Ryan Gander, FRAC Ile-de-France Le Plateau, Paris

L’exposition de Ryan Gander au Plateau prend pour thème l’imagination. Et à travers elle, le jeu. Le jeu du détournement certes, avec le spot publicitaire que l’artiste a fait réaliser par une agence afin de vanter les mérites de l’imagination, mais aussi le plaisir gratuit des jeux d’enfants. Ces cabanes, passages secrets et lampes bricolées permettent d’exhiber le processus de genèse de la création ce qu’elle a de plus spontané et fondamental. Certains ont parlé de post-conceptualisme, mais c’est avant tout une exposition amusante et légère et, à la surprise que l’on éprouve à ce constat, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là d’un certain tabou – sinon d’un tabou certain – de la création contemporaine.

Ryan Gander, I is…(v), 2013, Courtesy de l’artiste, photo John Newton.

Ryan Gander, I is…(v), 2013, Courtesy de l’artiste, photo John Newton.

\ Le Plateau

3 – Gabriel Kuri, Parc Saint-Léger, Pougues-Les-Eaux

En résonance avec le lieu — le centre d’art de Pougues-les-Eaux étant une ancienne station thermale — Gabriel Kuri, dont il faut souligner que c’est la première exposition monographique en France bien qu’il fasse déjà autorité à l’étranger, intitule son exposition « branded water, bottled water ». Qui nous apporte encore une fois la preuve de sa capacité à concevoir des œuvres radicalement anti-discursives dont l’attrait formel et la beauté simple, non sans parenté avec certaines sculptures japonaises zen, n’entravent en rien sa dénonciation virulente des menaces écologiques engendrées par la surenchère actuelle de consommation.

Gabriel Kuri, "bottled water E.d.E. 5", 2013, pierres, préservatifs, papier, dans le cadre de l'exposition au Parc Saint Léger "bottled water branded water" crédit Parc Saint Léger

Gabriel Kuri, « bottled water E.d.E. 5 », 2013, pierres, préservatifs, papier, dans le cadre de l’exposition au Parc Saint Léger « bottled water branded water » crédit Parc Saint Léger

\ Gabriel Kuri

4 – Collections photographiques du CNAP, Friche La Belle de Mai, Marseille

Afin de présenter les collections photographiques du CNAP, Patrick Tosani et Pierre Giner ont conçu une mise en visibilité qui transpose Aby Warburg à l’époque de l’écran : les images sont présentées sur des planches inclinées selon un principe d’aléatoire alphabétique et le dispositif est complété par un générateur d’accrochage conçu par un programme informatique. En regard du séminaire de Georges Didi-Huberman au Louvre et de son exposition à venir au Palais de Tokyo, l’exposition a le mérite d’intégrer la mobilité numérique de l’image à l’amorce d’une réflexion plus globale sur la manière de présenter les collections photographiques.

Vue de l'exposition « Des images comme des oiseaux ».

Vue de l’exposition « Des images comme des oiseaux ».

\ Friche La Belle de Mai

5 – « Dynamo », Grand Palais, Paris

S’il paraît difficile de faire l’impasse sur le soudain retour en grâce de l’art optique et perceptuel ce printemps, « Dynamo » prend à ce titre surtout valeur de symptôme permettant de mettre en évidence le changement des modalités perceptuelles, s’inscrivant dans une tendance d’ensemble plus vaste. Si l’on avait jusqu’à présent surtout beaucoup écrit sur la civilisation de l’écran, il restait encore à traiter le sujet in concreto.

Douglas Wheeler, "Light Incasement", 1971. Néons, Plexiglas. 233 × 233 cm. Aix-la-Chapelle, Collection Ludwig, Ludwig Forum für Internationale Kunst. © Photo Stedelijk Museum Amsterdam.

Douglas Wheeler, « Light Incasement », 1971. Néons, Plexiglas. 233 × 233 cm. Aix-la-Chapelle, Collection Ludwig, Ludwig Forum für Internationale Kunst. © Photo Stedelijk Museum Amsterdam.

\ Dynamo


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