r e v i e w s

William Furlong, Speaking of Art chez Phaidon

par Aude Launay

 

Auto-reverse

C’est un magazine mythique et atypique, publié sur cassettes audio puis sur CDs depuis 1973. Créé par le conceptuel britannique William Furlong, Audio Arts est devenu en quelques trente ans une archive sonore extrêmement précieuse et convoitée, à tel point que la Tate en a acquis les milliers d’heures de bandes en 2004. Ces archives, ce sont des centaines de conversations avec les artistes les plus influents de la scène internationale, de Duchamp à Kelley, de Kosuth à Koons, de Ruscha à Baldessari ou Serra… Et c’est à les écouter1 que l’on prend conscience du fait aussi étrange qu’évident qu’on entend très rarement parler les artistes, on lit parfois des interviews, et encore… Ce qui prédomine dans notre petit monde de l’art, ce sont les textes sur, à propos des artistes, mais jamais leur parole n’est ainsi mise en avant. Né avec l’avènement du lecteur-enregistreur de cassettes, Audio Arts propose une diffusion inédite à coût minimal d’entretiens avec les plus grands, un peu  » à la manière d’un internet de l’époque « , comme le dit joliment Furlong.2

Aujourd’hui c’est un retournement, l’audio revient à l’écrit pour la publication d’une anthologie des disscussions de Furlong dans un élégant recueil paru chez Phaidon. Si le design colle au plus près à l’idée originale par la sobriété grise de sa couverture, son papier brun comme une bande magnétique et sa réversibilité ( il propose deux sens de lecture se retournant à l’instar des cassettes en fin de bande ), on ne peut que regretter que seules sept femmes figurent au casting final, en bref, une certaine orientation de la sélection vers les stars du milieu aux dépends d’autres artistes et personnalités que l’édition aurait pu nous laisser découvrir. Mais outre qu’il permet un accès assez direct aux œuvres par les commentaires des artistes eux-mêmes, l’on y apprend un tas de choses complètement annexes et parfaitement passionnantes sur ceux qui se sont laissés prendre au jeu de la conversation, par exemple que Richard Long adorait faire du camping, que Kapoor ne supporte pas que l’on cherche d’abord à voir ce qui relève de l’indien dans son travail, que dans le travail de Mc Cracken la couleur vient toujours après la forme, que Sarah Lucas s’est toujours sentie influencée par le Surréalisme… Une nouvelle bible, donc.

1 Une partie des entretiens est disponible, soit sous forme de texte, soit directement en écoute, sur le site de la Tate : http://www.tate.org.uk/britain/exhibitions/audioarts/

2 cité par Randy Kennedy dans « While the Artists Chatted, He Taped », in The New York Times, daté du 29 avril 2010.

William Furlong, Speaking of Art, Four decades of art, 2010, Phaidon, 272 p., couverture rigide, en anglais.


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